05 mai 2008

De l'anonymat


Dans le "Charlie Hebdo" du 23 avril 2008 (avec ce congé du 1er mai, je n'ai pas encore reçu le numéro du 30...), une certaine Amélie Nothomb fustige les bloggeurs anonymes. Selon elle, 'tout texte courageux et juste comporte une signature' et 'un message qui ne comporte pas de signature digne de ce nom doit être tenu pour inexistant'. Etant donné qu'elle ne prend pas la peine de préciser si elle tape tous les bloggeurs anonymes dans le même panier (les 'journaux intimes' et les 'donneurs d'opinions'), je me sens visé. Je suis comme ça, la tête près du bonnet et toujours prompt à dégainer.
Mine de rien, Amélie en rajoute une couche, elle emboîte le pas aux pourfendeurs rapides et récents de la planète internet et plus particulièrement des blogs. Quand même, si n'importe qui peut s'exprimer et être autant lu qu'un auteur 'publié', sans même être obligé de signer de son vrai nom, où va-t-on? Et comment encore justifier mes droits d'auteurs, puisqu'ils écrivent gratos, ces plumitifs nains?
Le fait de signer mes humeurs de bibliothécaire de campagne autrement que d'un simple 'Nescio' leurs donneraient-elles réellement plus d'impact? Est-ce que pour vous, fervents lecteurs de ces humeurs, le sceau de la vraie vérité pourrait être aposé sur ce blog dès le moment où vous sauriez que son auteur se nomme Raimond Gregorius, bibliothécaire à Marchin ou Maurice Tillieux, classeur/rangeur à Beauvechain ou encore Nicolas Fanuel, préposé au prêt à Amay? Et d'ailleurs, le sceau de la vraie vérité est-il si important? Dès le moment où la rencontre entre un texte et un lecteur produit l'étincelle, celle-là même qui donne l'envie de prolonger la lecture, la messe n'est-elle pas dite? Je ne sais pas qui est Pascal Mercier, et pourtant son roman, plus d'un an après, me trotte toujours en tête. Je n'ai jamais vu Gérard Manset en télé, et pour ce que j'en sais, il pourrait tout aussi bien s'appeler Sébastien Poirier, ça ne m'ôterait pas l'envie de l'écouter encore et encore. La plume et le souffle comptent, si l'auteur est quelqu'un de bien, tant mieux. En quoi, par envie de tranquilité, son usage d'un pseudo, enlèverait-il de la valeur à ses écrits et les rendraient-ils 'inexistants'? Peut-être que demoiselle Amélie n'avait pas grand chose à dire, mais que, pas grand chose, signé de son nom, ça reste malgré tout bon à publier? Et sans doute n'a-t-elle jamais entendu Manset chanter 'Gardez vous des honneurs de ce monde-ci; de l'éclat de ce monde-là'.

5 commentaires:

Rincevent a dit…

J'aime à penser que c'est le propos et pas le nom qui donne au texte sa valeur. Bien entendu, cette idée a des limites, notamment si on souhaite que le lecteur puisse vérifier ses dires, mais de toute façon une réflexion reste une réflexion. Balayer un argument sous prétexte qu'il n'est pas signé est assez puéril.

Anonyme a dit…

Certes Amélie va trop loin.
Néanmoins, selon le but de l'article, le but de la recherche qui nous à amené à cet article de blog, on ne pourra pas lui faire entièrement confiance.

Néanmoins, du point de vue des opinions, toute personne en a une et qu'on s'appelle "skipper5849" ou Nothomb n'y changera rien.

Yvonnic a dit…

"Tout texte courageux et juste" ?
Laissons de côté l'aspect "juste", puisque comme le suggère justement Rincevent, il y a effectivement la question de la validation de l'info qui peut faire problème.

Moi ce qui m'inquiète, c'est cette notion de courage. Notion hautement morale et qui revient furieusement à la mode. Et dès que la morale met ses grands pieds dans le plat je me méfie du goût que prend la soupe... Et Nothomb est loin d'être la seule à mettre ça en avant. Je vois de plus en plus souvent ces notions de lâcheté/courage associées à celle d'anonymat. Mais aussi associées au fait d'avoir un blog,attitude souvent valorisée par rapport à ceux qui ne font qu'y passer. Ce qui est idiot dans la mesure où ce qui fait le sens d'un blog c'est le nombre de commentateurs qui y passent, non ? Et sa valeur c'est ce qui fait que les commentateurs auront envie d'y passer ou pas , non ?

Bref on privilégie toujours La forme sur le fond, la signature par rapport au contenu. La signature étant aussi une identification qui permet d'adapter sa réponse ou son accueil (d'accord, t'es de la famille, bienvenue) à une appartenance. C'est la dérive communautaire du monde des blogueurs, déja bien avancée.

Pour le reste on est en pleine morale. Courageux... Je crains que le "politiquement correct" mette fin d'ici peu à une certaine façon de bloguer. Voyons un peu : Dire du banal comme tout le monde, ou du gentillet, n'a rien de courageux. Donc le courage consisterait à être original, voire choquant ? En tous cas de dire la "vérité", ça ça a toujours été beau et courageux . Mais en principe la vérité choque. Alors on va dire "sa" vérité, et on va appeler ça une "opinion". Comme ça, ni cu ni vonnu. Admettons. Mais alors comment le dire sous son nom, puisque c'est aussi un risque personnel voire social (et mème juridique parfois), surtout la vérité, comme dit la chanson de Béart ? Donc, être courageux n'a rien à voir avec le contenu mais ne réside finalement que dans le fait de signer ? Oui, mais dire des conneries plates ou mensongères sous son nom, c'est risquer de passer pour ce qu'on est, un con et un menteur. Alors on fait quoi, des confitures ?

C'est amusant : à l'heure où des associations militent pour le CV anonyme, d'autres militent pour le blogueur identifié.

On ne voit pas pourquoi la blogosphère échapperait longtemps à la morale ambiante, au communautarisme et autres dérives identificatoires.

Vous vous rendez-compte, si le blog avait existé du temps du Maréchal ? Cette rigolade à Vichy....

nescio a dit…

@Rincevincent : bravo et merci d'avoir résumé mon billet en une seule phrase : 'c'est le propos et pas le nom qui donne au texte sa valeur'
@Yvonnic : nous sommes évidemment d'accord...la signature validant un texte inintéressant ne rend pas son auteur plus courageux que celui qui écrit et interpelle mais ne se sent pas obligé de signer...surtout sur un blog 'qui dure'ou le pseudo 'assoit' l'auteur du dit blog...Et, non évidemment, il n'y a pas de quoi se sentir valorisé parce qu'on 'tient' un blog, que ce soit par rapport à un 'commentateur' qui y passe ou par rapport au boulanger du coin...
Quant au 'politiquement correct' qui déborderait sur l'univers des blogs, il ne tient qu'à nous d'y faire barrage...

Pitseleh a dit…

Ne pas afficher mon identité me permet de garantir l'anonymat de mon employeur, qui en plus d'être susceptible pourrait choisir d'appliquer la loi à l'encontre de mon CDD. Car la législation, bonne fille, traite les titulaires et les précaires sur un pied d'égalité : obligation de discrétion professionnelle, devoir de neutralité et devoir de réserve. Pan.

Sinon Amélie je l'aime bien. Elle ne sait pas trop ce qu'elle raconte et ce n'est pas bien grave, son boulot consiste à écrire.