16 février 2009

Scier la branche

"Cependant, un nouveau gouverneur était arrivé au pouvoir dans cet état et, très vite, il se fit connaître. Il exigea d'abord que la bibliothèque portât le nom de Fidencio Arriaga, un leader syndical enseignant qui avait été poignardé lors d'une échauffourée, et il envoya à cet effet un panneau métallique (...). Puis, il demanda à chaque directeur de bibliothèque, en vue d'une meilleure utilisation des ressources, d'envoyer un rapport trimestriel sur le nombre de visiteurs, les livres prêtés, les livres perdus ainsi que les encyclopédies consultées. Lucio n'avait pas besoin de registre pour remplir ce rapport, car, au début, il avait en moyenne trois lecteurs par semaine, tous élèves de l'école d'Icamole et tous dans le but de consulter l'encyclopédie. Quand il décida d'offrir l'encyclopédie à l'école, il perdit tout espoir de voir quelqu'un entrer chercher un livre. Après le troisième rapport, Lucio reçut la notification officielle que, dès lors, la bibliothèque Fidencio Arriaga était définitivement considérée comme fermée et donc qu'il ne recevrait plus de livres ni la somme allouée à son activité. Lucio envoya une lettre pleine de colère aux autorités de l'Etat, déclarant que si l'eau est d'autant plus nécessaire en plein désert, comme la médecine l'est à la maladie, les livres sont d'autant plus indispensables là où personne ne lit. "

("El Ultimo Lector"de David Toscana, Zulma, 2009)