17 mars 2008

Force majeure

"On transporta le corps d'Adela à l'école. Sans le vouloir, Ramon se retrouva à la tête du cortège funèbre. La foule ne s'ébranla que lorsqu'il eut fait le premier pas. On étendit la morte sur le sol d'une des deux salles de classe. On la plaça sur une natte pour qu'elle ne se salisse pas et elle resta protégée par la couverture de Pascual. Quelqu'un alluma des cierges aux quatres coins du cadavre. La salle commença à se remplir."
(Extrait de 'Un doux parfum de mort', de Guillermo Arriaga)

Un peu plus d'un an avant que je ne sois engagé ici, un drame épouvantable avait secoué le village. Un homme, profondément dépressif, avait abbattu quatre membres de sa famille, avant de se suicider. Les circonstances me sont peu familières, j'ai seulement retrouvé quelques articles de presse. On m'a rapporté qu'à ce moment-là, la rénovation du bâtiment, devenu aujoud'hui la bibliothèque, se terminait. Vide, il avait donc été réquisitionné pour abriter les cinq cercueils. Cette salle, à partir de laquelle ces quelques mots vous sont envoyés, servit donc quelques temps (un, deux jours?) de morgue. Ou de funérarium, puisque le village n'en comptait pas à l'époque. Aujourd'hui, et bien que le chiffre de la population n'ait pas beaucoup augmenté, les familles endeuillées ont le choix entre deux entreprises spécialisées, toutes deux établies dans la rue principale toute proche.

05 mars 2008

Dédicace (2)
Sur la première page, au crayon, à côté de la date à laquelle tu l'as reçu -ou acheté- et juste avant ton nom, tu as écrit "temps d'angoisse instable". Sans doute faut-il lire "temps d'angoisse, instable". Te connaissant et sachant que tu n'es pas du genre à dramatiser, j'en ai presque des frissons. Mon imagination s'emballe. Qu'est-ce qui a bien pu te pousser à écrire ces trois mots? Je ne doute pas qu'ils évoquent exactement l'état psychologique dans lequel tu devais te trouver. Je crois me rappeler. C'était il n'y a pas si longtemps, ton mari est passé rendre tes livres. D'habitude, c'est toujours toi que je vois. Il m'a parlé d'une courte hospitalisation. Sans doute qu'au moment de nous le céder, tu avais oublié ces trois mots, écrits presque dans l'urgence. Comme à chaque fois que je trouve une marque personnelle dans un livre, je vais devoir les masquer. Dans ce cas-ci, un simple coup de gomme suffira.