23 janvier 2007

Dernières lectures

C'est ta soeur qui m'a prévenu. Elle m'a téléphoné l'autre jour, pour savoir si j'accepterais des livres de ta bibliothèque personnelle. Comme je répondais positivement, elle m'a précisé qu'elle en profiterait pour me rendre les derniers livres que tu avais empruntés : 'ils seront un peu en retard évidemment, je n'habite pas le village, je ne saurai pas venir avant une quinzaine, vous comprenez, avec toutes les formalités...'. Toi qui étais si ponctuelle, ça va me sembler bizarre.

Tu avais toujours un commentaire : à chaque fois, je savais s'ils t'avaient plus ou pas. Ceux-ci, je ne saurai même pas si tu les avais terminés.

13 janvier 2007

On n'est plus sûr de rien

- C'est aujourd'hui que je dois repayer mon abonnement?
- Un instant, je vérifie...non, pour vous, ce sera en février.
- Ah, bon, enfin, si on est encore vivant enfin...parce qu'aujourd'hui, on est plus sûr de rien....au building, il y a encore une vieille femme -enfin pas si vieille que ça : 65 ans- elle est rentrée à l'hôpital pour une radio, elle est revenue dans un cercueil...
- ????
- oui, mystère, on sait pas ce qu'elle a eu...
- (toujours aussi ????)
- enfin, avec les vieilles femmes hein, de toutes façons, on sait jamais rien...

11 janvier 2007

5 trucs que vous ne savez pas sur moi

Ok ok, Sub'Lib me refile le bébé, je l'accepte parce que j'adooooore parler de moi.

1. Ma maman m'a bien élévé, ma femme s'en félicite : je mange de tout! Sauf des côtelettes.
2. Jusqu'à facilement 12-13 ans, j'ai été enfant de coeur. Maintenant, je ne mets plus de robe et je suis athée.
3. J'ai deux frères. L'un d'eux est allé voir le cadavre exposé du Roi Baudouin.
4. Je conduis comme un demi-dieu. A ce titre -et c'est un véritable handicap- je ne supporte pas ceux qui conduisent mal, particulièrement quand ils s'obstinent à être devant moi.
5. Je trouve que Procol Harum est un groupe de rock injustement sous-estimé et beaucoup trop souvent réduit à un seul titre : Nights in White Satin. Ecoutez voir, lisez les dates de création des morceaux, comparez avec ce que le Floyd, Genesis ou Jette tes rotules produisaient à cette époque et vous verrez : des visionnaires, j'vous dis!

Comme je suis un garçon poli, je refile le truc à Liber, libri, puis à Pitseleh et à mes compères belges Gatsu Gatsu, Bibman et Locus Solus...

Prévisible

Ca y est, il est arrivé. Planqué au fond d'une caisse. Je sentais que ça n'allait pas tarder : ils en ont vendus tellement. Le premier exemplaire du 'Da Vinci Code' -édition grand format de 2004 svp!- généreusement offert par un lecteur. Je suppose que les autres ne vont pas tarder. Les dons suivent les ventes. Je ne compte plus les 'Alchimiste' de Coelho, les 'Ramsès' de Jacq ou les 'Brûlée vive' de Souad qui ont échoués ici, rejetés par leur propriétaire. Je parie qu'avant deux ans, je recevrai un premier exemplaire des 'Bienveillantes'.

10 janvier 2007

Menteur

Tu t'es inscrit en novembre. J'aurais bien parié que tu n'allais pas pouvoir t'adapter aux horaires et aux délais. A ce stade, je suis capable -avec une marge d'erreur à définir scientifiquement par d'autres plus malins que moi, mais je la sais très limitée- de deviner qui va poser des problèmes. Ca me désole, mais j'avais raison. Un mois de retard, sans compter les congés. Ce n'est que ta deuxième visite, je pourrais me montrer coulant, mais non, un je-ne-sais quoi me pousse au contraire à être intransigeant. Appelons ça le feeling bibliothéconomique. C'est pour ton bien finalement, sinon, tu vas prendre de sales habitudes. Pénalité financière donc. Plus trois coups de latte imaginaires pour t'apprendre à être si conforme à l'image que tu donnes. Pas vexé, tu payes presque de bon coeur. Plus tard, comme je t'espionnais dans les rayons, je t'ai entendu converser avec une des assidues du lieu. Vous assuriez les grands classiques :
Toi : 'Et vous, vous lisez quel genre de livres?'
Elle : 'Beaucoup de policiers...heureusement qu'il y a la bibliothèque, sinon, avec tout ce que je lis, ça me coûterait cher'.
Toi : 'Ah bon, et vous venez si souvent que ça? '
Elle, se sous-estimant honnêtement : 'Ah ben, tous les mois au moins, parfois plus...et vous?'
Toi, triste vantard : 'Toutes les semaines!'

05 janvier 2007


Train de nuit pour Lisbonne

Alors qu’il se rendait à son travail, Raimond Gregorius, professeur de langues anciennes dans un lycée bernois, rencontre une femme, penchée au parapet d’un pont, comme prête à se suicider. Le seul mot qu’il arrivera à en tirer, c’est ‘português’. Peut-être sommeillait-il en lui depuis longtemps, tel une bombe à retardement, prête à exploser. Peut-être était-ce simplement le bon moment, le bon endroit, la bonne personne. Qu’importe, il ramène la femme jusqu’au lycée. Elle s’en ira assez rapidement, le remerciant peut-être du regard. Après avoir mentalement répété ce fameux mot à de multiples reprises, il quitte sa salle de classe, laissant là ses élèves. Quelques heures plus tard, errant dans une librairie espagnole, il découvre par hasard le livre d’un poète portugais, Amadeu de Prado. Le libraire lui en traduit un passage : ‘Sur mille expériences que nous faisons, nous en exprimons tout au plus une par le langage. Parmi toutes ces expériences muettes sont cachées celles qui donnent secrètement à notre vie sa forme, sa couleur et sa mélodie’. Puis il lui offre le livre. De retour dans son appartement, Gregorius se met à étudier la langue portugaise et, progressivement, traduit des passages du livre de Prado. La beauté et la profondeur des lignes qui se livrent ainsi à lui le confortent dans son idée d’abandonner son poste d’enseignant ; le persuadent finalement de se mettre en quête de cet auteur inconnu. Parce qu’il n’aime pas les voyages aériens (‘Monter dans un avion et quelques heures plus tard arriver dans un autre monde, sans que l’on ait eu le temps de glaner quelques images particulières durant le trajet –cela lui était désagréable et l’effarait’), il prend le premier train pour Lisbonne.
A ce stade, l’on pourrait se croire dans un roman de Simenon : un homme quitte tout pour enfin ‘vivre’. Pascal Mercier -un auteur dont je ne sais rien et ne veux rien savoir avant d’avoir terminé cette invitation à la lecture- va beaucoup plus loin. Ce billet terminé, je taperai les lettres de son nom sur Google et peut-être en apprendrais-je plus. J’ai refermé ‘Train de nuit pour Lisbonne’ il y a quelques jours, après l’avoir fait durer le plus longtemps possible -distillation. J’ai lu et relu certains passages, j’en ai répertorié d’autres afin de les retrouver plus facilement - mémorisation. J’ai bêtement espéré que le voyage de Gregorius dure encore quelque peu - déception. Leurs mots –Gregorius/Prado/Mercier- invitent à un retour au Portugal et à Pessoa -infusion.

Dans les pas de Prado

Pour retrouver Amadeu de Prado, Gregorius ne dispose que de peu d’éléments : l’année de parution du livre -1975- et le nom de l’éditeur : Les Cèdres Rouges. Amadeu est-il seulement encore vivant ? A Lisbonne, malgré sa maigre connaissance du portugais, il trouvera ses premiers renseignements auprès d’un libraire retraité. Orienté par ce dernier, il rencontre les amis et la famille de Prado, dont il découvre la profession : médecin. Chaque rencontre le renvoie vers une autre, des liens se tissent et, comme pour marquer les étapes, Gregorius poursuit sa traduction du livre d’Amadeu : ‘…c’était cela, Lisbonne, la ville vers où il était parti parce qu’en observant ses élèves, il avait vu soudain sa vie à partir de la fin et parce qu’il avait trouvé par hasard le livre d’un médecin portugais dont les mots semblaient écrits pour lui’. De plus en plus intime avec son auteur, il se voit également remettre d’autres inédits de sa main. A l’image des éditeurs des œuvres de Pessoa qui n’en finissaient pas d’exhumer des textes inconnus de sa fameuse malle, Gregorius pousse toujours plus loin vers une meilleure connaissance de Prado. Il inventorie sa vie, croise ses sources, fait parler ses amis, ses sœurs, ses amours et ses écrits. Se révèle progressivement un personnalité fascinante, l’image d’un homme en perpétuelle interrogation, haïssant les vaniteux, certain de son inimportance mais désirant à tout prix conserver le contrôle de ses actes pour les faire entrer dans le chemin qu’il s’est tracé : ‘Réfléchir sur ce que l’on voudrait en réalité…Ne pas se manquer soi-même’. S’il réussit à tenir le cap qu’il s’est fixé durant une partie de sa vie –tout en s’interrogeant sans cesse sur la valeur de ce cap- Prado ne pourra empêcher le hasard d’une rencontre imprévue dans ses plans. Rencontre qui remettra tout en question.

Même si le ‘Livre de l’Intranquilité’ de Pessoa –auquel le roman de Mercier fait clairement référence via la récolte et la traduction des ‘fragments’ de textes de Prado - ne quitte pas ma table de nuit, je ne le lis sans doute plus assez ; ‘Train de nuit pour Lisbonne’ m’invite à y retourner. Au-delà de l’intrigue –superbe et passionnante- il recèle de raisonnements, de poésie et de petites phrases qui enrichissent et remettent d’aplomb à chaque relecture. Comme celle-ci : ‘Il y avait ceux qui lisaient et il y avait les autres. On remarquait vite si quelqu’un était lecteur ou non. Il n’y avait pas de plus grande différence entre les hommes. Les gens s’étonnaient quand il affirmait cela, et plus d’un hochait la tête devant tant de bizarrerie. Mais c’était ainsi. Gregorius le savait. Il le savait.’


Train de nuit pour Lisbonne / Pascal Mercier - Maren Sell Editeurs, 2006