28 novembre 2006

Joyeux Noël!

Tu es bien une des seules avec qui je perds patience. Je t'avais déjà envoyé promener à l'occasion pour une lecture scolaire que j'avais refusé d'acheter. Mercredi passé, tu m'interroges sur les dates de fermeture pour le prochain congé de Noël. Aussi poliment que possible, je te réponds quelque chose du style : 'la même chose que les congés scolaires'. Instantanément, ta voix monte dans les aigus -tu n'en peux sans doute rien, ce n'en est pas moins très énervant- pour me répondre : 'quoi, les QUINZE jours?'. Je n'ai ni l'envie ni le courage de t'expliquer que, vu les nombreux jours fériés de Noël et de Nouvel An, et vu la croissance exponentielle de mes heures de récup, il serait stupide de ma part de ne pas en profiter pour cumuler ces deux données. Je sais, le service public, les lecteurs qui pourraient en profiter, les jeunes qui vont s'ennuyer, le dépit de mes groupies etc etc... mais c'est la conséquence incontournable d'un service à personnel unique. Sincèrement, ça me désole, parce que ce n'est pas la manière dont je voudrais que la bib fonctionne. Et je te l'ai déjà expliqué. Bref, je me contente de te répondre : 'oui'. Tu rebondis immédiatement : 'comme nous sommes le 22 et que le prêt est pour un mois, les livres qu'on ne vous a pas rentrés avant cette fermeture, vous les prolongez automatiquement alors?'.

19 novembre 2006

Sisyphes

Quand ce n'est pas l'un, c'est l'autre. Les lecteurs ou les livres. Dès les premiers jours de nos études de bibliothécaire, l'évidence nous avait sauté aux yeux, aux plus perspicaces de mes petits camarades et à moi-même : la bibliothèque idéale, celle que nous rêvions de rejoindre un jour, se devait d'être interdite aux lecteurs. Ce n'est qu'après, la pratique venant et le métier nous essouflant petit à petit, que l'incomplétude de notre réflexion nous frappa : les livres, quelles chienlit! Faut les choisir, les catalographier (selon des règles bien précises encore, si vous aviez pensé que titre/auteur ça pourrait suffire, vous avez bien fait de vous lancer dans une carrière d'ingénieur atomiste, c'est sans doute plus simple), les équiper, les mettre en prêt et les ranger un nombre incalculable de fois, toujours à ce même endroit qu'ils ne cessent de quitter. Sans compter que certains d'entre eux prennent un malin plaisir à se déteriorer, pour que nous perdions notre temps pourtant si précieux à les réparer à coup de papier collant et de colle blanche. Tout ça pour finir un jour ou l'autre par les retirer définitivement des rayons, parce que dépassés ou plus assez attirants pour vos lecteurs.

18 novembre 2006




Une question de taille




Aujourd'hui, tu m'as surpris. Vraiment surpris. Depuis toutes ces années que tu viens, tu n'as jamais dérogé à la règle. Tu passes une fois par mois, tu t'avances jusqu'au comptoir et tu me rends tes livres. Ils me reviennent toujours avec cette légère odeur de tabac qu'ils n'avaient pas lorsque tu les as emportés. Tu me dis quelques mots, mais je ne comprends pas tout. Tu fais partie de ces nombreuses familles italiennes immigrées dans le village. Bien sûr, tu parles français, mais ton accent et ce grand âge qui te fait mâcher tes mots rendent certains d'entre eux parfois difficilement compréhensibles. Ensuite, tu te promènes dans les rayons. Avant, tu prenais bien ton temps; depuis quelques mois, tu es obligé de te dépêcher : c'est ton fils qui te conduit. Il t'attend dans la voiture, son moteur pas éteint : 'faut que je me dépêche, les jeunes, c'est toujours pressé'.
Tu ne regardes jamais les présentoirs à nouveautés, tu préfères visiblement fouiller dans les bouquins bien serrés les uns contre les autres. Ton choix effectué, tu t'avances vers moi, tes 4 ou 5 livres en main. Toujours des poches, jamais de grand format. Des années de lecture en petite taille. Sauf aujourd'hui.
Sur les 4, il y avait une édition originale, un 'grand' livre. Après tout ce temps, cette routine bien réglée et rassurante -même pour moi- qu'a-t-il bien pu se passer pour que tu te décides à sauter le pas? Je me le demande encore.

09 novembre 2006


Le confort


Dans l'ancienne bibliothèque, celle de 'la chaise', il n'y avait même pas de toilettes. On m'avait donné un double des clés de l'école communale, et débrouille-toi pour y aller la conscience tranquille : 'mais non, personne de viendra sur ce temps-là, tu peux bien laisser la boîte sans surveillance cinq minutes'.

Evidemment, pas de chauffage non plus. A la place : un poêle à mazout cylindrique qui tournait (parce qu'il était cylindrique sans doute...) sans discontinuer 4 à 6 mois par an. On peut supposer que les frais d'installation d'un nouveau système auraient bien vite été amortis par les économies de carburant induites. Mais non, une telle dépense sur un budget annuel, ça aurait fait mauvais genre. Le court terme, toujours le court terme.

Alors que je pouvais voir le givre s'attaquer au pare-brise de ma voiture garée juste devant, les effluves parfumées de ce mastodonte m'ont plus d'une fois obligé à ouvrir une fenêtre du bâtiment. Entre l'asphyxie et un probable refroidissement, j'avais rapidement opté pour le moins pire.

Les premiers froids de ce mois de novembre marquent le début d'un deuxième hiver bien au chaud dans le 'nouveau' local. Le chauffage et les commodités étaient d'origine -langage de concessionnaire automobile- lorsque j'ai déménagé les premiers bouquins. Même le téléphone. Je n'avais plus repensé à tout cela depuis un moment. Le confort, on s'y habitue vite.

07 novembre 2006


Trois jours


Cette semaine de Toussaint fut l'occasion de prendre quelque congé : la commune nous octroyant généreusement trois jours, j'ai complété en puisant dans le pot de mes heures de récup' généralement irrécupérables. Des trois jours officiels, je suis royalement passé à quatre et demi. Peinture murale et taxi pour les enfants, ce ne fut néanmoins pas de tout repos. Rien à côté de ce qui m'attendait à mon retour pourtant.

Que ce soit pour cause de maladie ou pour des congés légaux, la fermeture de la bib et/ou mon absence se paie à chaque fois après. Et devinez le nom de l'unique débiteur. Le courrier s'est accumulé -comme si le facteur s'en était donné à coeur joie : la vengeance d'un fonctionnaire envers un autre qu'il estime plus chanceux parce que en congé- et les livres rentrés lors de la dernière séance de prêt n'en ont pas profité pour regagner leur place tout seuls. Jamais ils ne feraient un effort ceux-là. Je compte bien leur régler leur compte dans un prochain billet.

A chaque fois, ce 'retard' à rattraper me prend de quelques heures à quelques jours selon le durée de mon absence et l'humeur vengeresse du postier. Et pendant ce temps-là, les lecteurs ne s'arrêtent pas à votre porte : ils entrent avec leurs bouquins à rendre et leurs nouvelles demandes. En très peu de temps, le courage que vous aviez rassemblé pendant vos jours de repos s'envole, transformé en une rage impuissante et perpétuellement ressassée : il arrive quand ce nouveau collègue?