21 avril 2009

Le stagiaire

Lorsqu'il aura terminé sa rétho, il veut 'faire romanes'. Voilà pourquoi sa maman a pensé que quelques jours de boulot à la bibliothèque du village lui conviendraient. Pas facile de trouver un lieu de stage en dernière année d'humanités. Je ne sais plus exactement comment son école appelle ça : 'première expérience en entreprise' ou une ânerie de ce genre. Alors, quand le monde de l'entreprise refoule les pauvres petits étudiants sans bagage professionnel, vers qui se tourne-t-on?
Comme il n'habite pas loin et que sa tête me revenait plutôt bien, j'ai accepté. Après tout, il ne s'agissait que d'une trentaine d'heures et ma collègue pourrait, elle aussi, s'en occuper.
Même s'il ne s'est pas révélé le plus fainéant ou le moins éveillé des stagiaires qui ont marqué ces lieux de leur indélébile empreinte, ses limites en terme de concentration nous ont très vite sautées aux yeux. D'une distraction à toute épreuve, il laissait derrière lui un impressionnant sillage d'erreurs et d'oublis, aussi variés que les tâches que nous nous efforcions de lui confier.
Curieusement, l'heure de la pause de midi échappait à cette fâcheuse tendance. Et, plus particulièrement, le moment où, ayant terminé son repas, il me demandait l'autorisation d'aller 'faire un petit tour dehors'. Pourquoi refuser? Une bonne bouffée de fraîcheur n'aurait-elle pas pu lui booster les neurones?
En fait de bouffée, son haleine me renseignat un jour que, d'évidence, l'air qu'il inhalait durant ces petites balades devait être très pauvre en oxygène. Tolérant comme vous me connaissez, je me retins de lui faire la morale, me contentant de lui demander s'il ne pouvait pas lui-même établir un lien entre ses difficultés de concentration et les substances illicites qu'il s'envoyait en baguenaudant sous le soleil printanier.
Tout sourire (et pour cause...), il me répondit que depuis son plus jeune âge, sa distraction avait fait de lui un cas irrécupérable et que ce n'était certainement pas la fumette qui allait agraver son cas.
Bon, me suis-je dit, au moins, ma première impression sur ce garçon n'était pas fausse. Un tel aplomb force au minimum le respect, si pas la sympathie.

11 commentaires:

Yvonnic a dit…

Beaucoup de sujets possibles dans cette interessante présentation du "coup du stagiaire" (fumette en plus, peu importe après tout. Petite pique amicale, Nescio, si tu étais si tolérant que ça, tu n'aurais même pas mentionné ce détail. Et en plus tu pousses le vice pour en faire finalement un trait de caractère positif, étrange).

J'en reçois un paquet toute l'année. Pas un paquet de stagiaires, un paquet de lettres de demandes, nuance. Je pense qu'on est tous confrontés à ça et que ça fait partie des règles du jeu, rôle local, etc..

Ce qui m'attriste le plus dans toutes ces demandes, malhabilement redigées (c'est leur premier CV, à cet âge), c'est la permanence lancinante d'une des premières phrases de présentation : J'aime beaucoup la littérature. Et j'en ai une sous les yeux qui rajoute, comme le "plus" imparable : et ensuite, je poursuivrai des études de lettres.

Un autre qui se présente tout de go : "j'ai toujours beaucoup lu des livres, mais maintenant que j'ai moins le temps, à cause du collège, j'aimerais pouvoir continuer de lire comme avant (...)aussi je sollicite etc..."

Au fait chez nous aussi ça s'appelle "première expérience en entreprise" ou "découverte de la vie active", ça dépend des convention des établissements.

Une fois j'en ai une qui m'a dit "je voulais un stage à la clinique véterinaire, mais c'était déja plein, alors je viens voir ici. J'ai ma carte de lectrice..."

Nous sommes créateurs de lien social, disions-nous un jour ici...

Yvonnic, l'Appel de la forêt

nescio a dit…

Tu as raison, je ne suis pas si tolérant que ça...pour preuve un de mes derniers billets où mes nerfs avaient clairement pris le dessus. Par contre, la fumette n'est pas un "détail". Il se fait que j'en entends pas mal parler ces derniers temps. J'ai quelques amis, connaissances dont les enfants ont presque le même âge que les miens -comme le stagiaire ici évoqué- et qui y sont confrontés au quotidien. J'entends, j'écoute...et, bien que pas bégueule, les conséquences d'un usage intensif m'effraient. Ce qui est en contradiction avec la sympathie qu'il m'inspire (le caractère positif dont tu parles...)...mais ça, c'est parce que j'ai toujours préféré les jeunes qui s'envoient un pétard de temps en temps à ceux qui se la pètent constamment.
Chez nous, ils n'envoient pas de lettre : ils passent ou téléphonent, ou envoient leurs parents (dans ce cas-là, c'est déjà mal parti pour que je dise oui). Ce qui me pousse le plus souvent à accepter, c'est effectivement le côté 'lien social' dont tu parlais...et aussi le souvenir de mes stages, de la difficulté de trouver des lieux et de tout ce que j'y ai finalement appris...

Yvonnic a dit…

Tu sais, pour la fumette, je reconnais que je ne suis pas très clair non plus. Je viens d'une époque où tout cela était finalement plus rare qu'on ne le pense, et franchement "récréatif" comme on dit maintenant. Et je suis un peu déstabilisé par les dérives actuelles, l'utilisation intensive, l'âge de plus en plus précoce etc..D'un autre côté je me méfie de plus en plus des vieux retours de la morale des familles. Bref, je vais pas te refaire le journal télévisé, mais bon, je reconnais que je suis un peu paumé vis à vis de tout ça. Je conserve une tolérance qui est plus un réflexe acquis qu'autre chose, une ancien relent de "laissez les vivre", presqu'une posture finalement, mais de plus en plus sans conviction réelle. L'époque a trop changé,et je pense que je suis resté un peu en retrait là-dessus, voire en retard.
Et puis quand je vois leur vie et leur avenir, et que je me vois parfois me bourrer d'anxiolytiques (en plus du Muscadet...), je m'imagine mal leur donner des leçons de morale.
Autrefois la fumette c'était la fête facile d'une génération peinarde et assez inconsciente, aujourd'hui c'est la fuite dure d'une génération paumée et de plus en plus lucide.
Alors c'est pas papy, avec sa clope, son Muscadet et ses benzodiazépines, qui va leur repeindre la façade couleur rose bonbon.

Yvonnic, Dernier train pour Katmandou.

PS.Et puis t'as des mômes. Moi pas.T'as du progresser plus vite que moi sur ces trucs là.

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

@nescio

Depuis quelque temps, c'est plutôt les yeux (rec)ouverts.

kat / kochka a dit…

Ben je me dis parfois que si je m'étais mise au tarpé occasionnel à la fac, j'aurais peut-être l'esprit plus clair aujourd'hui...
A voir... :]

Au plaisir de te lire.

Yvonnic a dit…

@ Kat.
L'esprit plus clair sur quoi ? Tu peux développer ?:Uj

@Nescio.
Toutes mes félicitations pour ta participation active aux prophéties (parfaitement fondées et statistiquement vérifiées)émises par les observateurs les plus qualifiés au niveau mondial : la mort, ou la mise en friche prolongée, des "blogs perso" (à la différence des blogs pros, d'entreprise, communautaires etc..),considérés comme un "phénomène de mode passager", désormais qualifié de "kitch" ou de "ringard", selon les intervenants.

Il faut s’orienter désormais vers les réseaux sociaux tels que Twitter, FlickR ou Facebook pour se lancer sur le Web afin de s’exprimer, agir et interagir. Exit donc la figure de l’amateur (éclairé) qui défriche, témoigne, évoque, crée, poétise voire informe. De toutes façons, L'info,la vraie "qui fait le buzz",c'est sur YouTube. Dailleurs, t'as qu'à voir tes collègues survivants : c'est photo-vidéo et 0 commentaires...

Enfin, il nous reste donc Twitter (microblog en 140 caractères)qui correspond à l’équivalent de l’âge du blog en 2004, de par la brièveté des messages, l’instantanéité de leur diffusion, les échanges qui s’y déroulent.

140 caractères ! Que dalle ! J'aurais l'impression de me torcher avec un timbre-poste !


Yvonnic, Pompes Funèbres Générales

nescio a dit…

Yvonnic...je l'ai déjà dit ici, il ne s'agit pas -pour ma part- d'une mode à laquelle j'aurai succombé et dont l'effet se ferait en cet instant moins sentir...j'ai tout simplement l'impression d'avoir fait le tour du sujet. Je t'avoue également qu'un autre sentiment me gagne de plus en plus : la répulsion vis-à-vis de la machine 'ordinateur'...je passe de moins en moins de temps sur le net...un "post" conclusif pour bientôt?

Yvonnic a dit…

Rassure-toi : ton blog n'a jamais été "à la mode". On pouvait (j'en parle déja au passé, tiens)y "faire long" d'une part, et d'autre part tu n'as jamais succombé à la tentation-carte postale de l'échange d'images comme contenu principal, ni au petit coucou consensuel entre amis choisis. Donc tu étais hors-jeu dès le départ. Banc de touche. Mais on a été parfois nombreux sur le banc de touche.
Ras le bol de l'informatique ? Normal. Je suppose que ça dépend aussi du temps qu'on y passe déja au boulot. Moi c'est la complexification de l'outil et le côté commercial des contenus qui me gonflent de plus en plus. Quant à l'aspect professionnel, l'éphémère et le minimalisme, et la totale non-représentativité des blogueurs par rapport à la profession, finissent par me détourner de tout ça. Une sensation d'inutilité de plus en plus vertigineuse.
Fait le tour du sujet ? C'est plus discutable. ça supposerait qu'il ne se passe plus rien dans ta bib, rien que la routine, ou plus rien qui ne vaille la peine d'être raconté ici ou ailleurs. Ou que tu n'as plus envie de partager ce quotidien, ce qui est autre chose.

Alors deux solutions : La longue mise en jachère qu'on observe sur certains blogs, au cas où..Ou le courageux hara-kiri en terminant sur un post flamboyant, digne de toi et de ceux qui t'ont accompagné sur tes chemins de traverse.

Yvonnic

Véronique Raffin Lagier a dit…

Créateur de lien social ça s'est sûre ma dernière stagiaire s'est présentée enlacée avec son copain
Enfin après des excuses ultérieures je dois la voir arriver fin avril mais le challenge m'amuse pas ma collègue qui ne les supporte pas mais si on veut leur mettre un peu de lecture dans la peau c'est une première approche

Anonyme a dit…

besoin de verifier:)