30 décembre 2007

Les livres qui rendent meilleur



Il est des livres dont la lecture vous donne l’impression de grandir. A leur lecture, vous apprenez quelque chose, que ce soit sur vous-même, sur le genre humain en général ou sur l’un ou l’autre domaine de la connaissance. Pour que cela marche vraiment, il faut que cet afflux de nouvelles connaissances se fasse sans peine, que vous n’ayez pas l’impression d’être assis devant une lecture imposée ou face à un prof sans charisme. Le sentiment d’avoir attendu cette lecture, d’être prêt pour elle et d’en absorber la moindre miette au point qu’elle devienne vous, s’imposera alors indépendamment de votre volonté. Comme une rencontre à laquelle vous ne pouviez heureusement pas échapper. La transformation sera alors indéniable, profonde, à vie.

Tout commence toujours dans l’enfance. Pour Daniel Mendelsohn, ce furent des récits entendus de la bouche de son grand-père. A chaque fois qu’ils se rencontraient, Daniel lui demandait de se souvenir et de raconter. Et lui, toute ouïe, engrangeait. Sa jeune mémoire s’imprégnait de ces épisodes de l’histoire de sa famille maternelle, comment elle vécu en Pologne, avant l’exil à New York fin des années 20 et comment l’un des frères de son grand-père décida de retourner là-bas pour ne jamais en revenir. Ce grand-oncle disparu, Schmiel Jager, va hanter toute l’enfance de Daniel. Prisonnier de son village passé sous domination nazie, il tentera à de multiples reprises de financer sa fuite et celle des 5 membres de sa famille, les lettres arrivées jusqu’en 1941 à New York en attestent. Passé cette date, plus de nouvelles. Les récits –parfois contradictoires, souvent incomplets- de sa fin et de celle de sa femme, et de ses 4 filles, ont néanmoins traversé les mers. Ce sont ces récits qu’en 2001, Daniel décide d’approfondir pour ‘connaître les circonstances particulières qui transforment les statistiques et les dates en une histoire’. Six millions de juifs : au-delà de ce chiffre, à chaque ‘unité’, une histoire particulière, un être humain, comment il vécu, quels étaient ses goûts, qui étaient ses amis et ses parents et comment précisément il quitta ce monde. Pour toucher à cette connaissance, pour rendre vie à ces six membres perdus, Mendelsohn se rendra en Pologne, en Australie, en Suède et en Israël. Il rencontrera plus de témoins et entendra plus de souvenirs qu’il ne l’avait jamais espéré. Progressivement, il renouera le fil avec les disparus. Il leur rendra vie, afin que tout ce qu’ils furent ne soit pas entièrement perdu.
Tout au long de son enquête, Mendelsohn relit les premiers livres de la Torah et, sans qu’il ait à prendre un ton académique, le parallèle avec l’histoire des disparus, mais également avec les relations parfois difficiles qu’il entretint avec ses frères et sœur, sans oublier l’Histoire tout court, se révèle saisissant. Comme si ce que contiennent ces premiers livres n’était autre qu’une histoire destinée à se répéter encore et encore.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

(je refais une tentative, mon précédent commentaire ayant été englouti dieu sait où)

Je suis moi-même en pleine lecture de ce livre merveilleux, foisonnant, haletant comme la meilleure des enquêtes policières. Et un condensé d'humanité.
As-tu lu "Soldats de Salamine" de Javier Cercas ? Un peu dans le même esprit que Mendelsohn, le narrateur parvient à se trouver lui-même, en cherchant la trace d'un exilé républicain espagnol.
Je le conseille vivement.

nescio a dit…

Je ne l'ai pas lu non...mais c'est un auteur qui m'a tjs fait de l'oeil...ton commentaire achève de me convaincre de ne pas trop tarder à le lire...

Anonyme a dit…

S'il existe des livres qui rendent meilleurs, cela signifie-t-il qu'il y a des livres qui rendent mauvais? Ca veut dire quoi au juste "Un condensé d'humanité"? Sous quelle forme le condensé : en aérosol, en poudre, en suppositoire ?

Le problème avec ce genre d'argument c'est qu'ils introduisent la morale dans la culture et dans l'art, alors que l'expression artistique n'a rien de moral... ou alors, ça devient un catéchisme tire-larmes. Certains sujets s'y prêtent d'ailleurs fort bien.

En fait, les "lectures édifiantes" de jadis ont été récupérées par le business. Il faut lire de beaux livres, il y va du salut de votre âme... et n'oubliez pas de passer à la caisse.

Qui dit humanité veut tromper. C'est vieux comme Proudhon.

Meilleurs voeux tout de même. ;-)

Anonyme a dit…

J'en suis à la page 400. Je lis d'autres livres en parallèle. C'est un très beau récit avec des photos émouvantes. D. Mendelsohn a fait un travail impressionnant pour essayer de retrouver des fantômes disparus dans la nuit et le brouillard de la barbarie nazie. Il y en a des millions comme eux dont on ne sait même pas qu'ils ont existé puisque c'est souvent des familles entières qui ont été décimées.