09 mai 2006


Denis Robert : la véritable affaire Clearstream

Je viens de terminer 'La domination du monde' de Denis Robert. Parce qu'il n'arrive pas à faire passer son message aussi puissament qu'il le voudrait via ses autres livres (des 'documentaires' comme on dit entre bibliothécaires), et aussi parce que les avocats et les procès lui tombent dessus comme la petite vérole sur le bas-clergé chaque fois qu'il l'ouvre, ce type nous conte son histoire dans un roman.
Son histoire? En gros, celle d'un journaliste-écrivain qui découvre qu'une société -la Shark Company basée au Luxembourg- fait bien plus que ce qu'elle est censée faire, soit faciliter et garantir les échanges entre les milliers de banques qui fleurisent sur la planète. En plus des comptes et des échanges 'officiels', Shark se charge d'effacer les traces de virements bancaires portant sur des milliers d'euros ou de dollars. On songe à Lavilliers et à ses 'Troisièmes couteaux' :
Ils ne font rien, ils se situent.
Ils sont consultants ambigus
Des hydres multinationales.
Pas de nom, que des initiales.
Ils ont de grands ordinateurs.
Poules de luxe, hommes de paille.
Requins, banquiers, simples canailles.
Pas de nom et pas de photo,
Leurs sociétés sont étrangères.
Plus compliqué est le réseau
Qui les relie à leurs affaires.

Bien plus que la mise en évidence d'un énorme scandale financier capable de causer un crise mondiale d'un niveau jamais atteint (le journaliste soupçonne que la Shark se soit à ce point emballée, qu'il est devenu impossible de garantir que la masse d'argent échangée chaque jour corresponde bien à des devises ou autres valeurs existantes), le bouquin de Denis Robert montre surtout le combat d'un homme face à une puissance qui le dépasse et qui met tout en oeuvre pour le réduire au silence. Les coups viennent de là où l'auteur ne s'y attendait pas. Un fois son enquête publiée et bien que disposant de preuves accablantes, la presse nationale française ne lui apporte que des échos négatifs et noie son propos sous les commentaires de 'spécialistes' rétribués en sous-main par Shark. Son éditeur, appeuré par les menaces de procès, finit par accepter un marché et refuse d'effectuer un second tirage, rendant le bouquin indisponible.
La 'graaande' presse française en prend pour son grade, subordonnée qu'elle est à ses actionnaires, elle ne se fend, à de rares exceptions, que d'articles dans lesquels affleurent dédain et mépris pour le travail de ce collègue décidément bien trop indépendant. Il n'est guère difficile, parmi les éléments purement romanesques, de reconnaître au long du récit les noms de journaux ou d'acteurs bien connus de l'actualité politico-économique française. Sans altérer la qualité de son intrigue ni le suspense qui en découle, Denis Robert en profite pour régler salutairement quelques comptes. Un bon bouquin, qui fait assez froid dans le dos, comme une envie d'aller vider ses comptes en banque et de tout planquer sous le matelas.

Les racines du roman se trouvent dans les deux enquêtes précédemment publiées par l'auteur et dont on pourra lire un bon résumé sur le site de Politis : http://www.politis.fr/article44.html par Christophe Kantcheff. Plein d'info plus récentes sur :http://www.liberte-dinformer.info/60828.html et sur le blog de Davduf : http://www.davduf.net/article.php3?id_article=272.

Mais l'essentiel est là : achetez ou empruntez "La domination du monde", et lisez-le.

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