20 mars 2009

Tout doucement, ça se précise





Depuis presque un mois, les demandes se succèdent. Une biographie d'un 'Juste'. Lequel? Ce serait à nous de le déterminer, évidemment. Faudrait pas qu'ils se fatiguent non plus. Personnellement, à chaque fois, je prends un malin plaisir à proposer Oscar. Celui-là même qu' il y a quelques années, Steven fit revivre sous les traits du grand Liam. Mais bon, à chaque fois que je propose le nom, le demandeur me répond : 'c'est déjà pris'. J'entends bien, mais alors, à eux de me soumettre un autre nom, non?

Celle-ci, la quinzaine vraiment sûre d'elle, me demande tout de go une bio de Yad Vashem. Suffisait d'y penser. Nul doute que l'institut chargé de la mémoire des 'Justes' porte le nom de l'un d'entre eux. Le plus illustre même. D'ailleurs, quand elle a posé la question à sa prof, celle-ci n'a pas démenti.

L'ignorance et la biestrèye gagnent du terrain. Et j'ai de plus en plus de mal à l'encaisser. La voie se dégage pour Dieudonné et Benoît. J'aurais bien envie de citer Renaud tiens. Vous savez, cette chanson qui commençait par 'Je voudrais que mes chansons soient des caresses ou bien des poings dans la la gueule...'

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Faut leur fourguer la biographie de Fontaine - Just Fontaine.

Yvonnic a dit…

Je ne suis pas sûr de comprendre ton courroux. C'est parce que Yad Vashem est le nom d'un institut et non d'un mec ? Et que la prof n'a pas relevé l'erreur ? Bof...

On pourrait peut-être aussi fiche la paix aux gamins avec tout ce fatras commémoratif, ces usines à médailles (qui oublient et oublieront de toutes façons la plus grande partie des "justes" en question). Tout ça n'est pas de l'Histoire, c'est du spectacle et de la politique.

"Assez de repentance" avait pourtant lancé Nicolas Sarkozy en succédant à Jacques Chirac. Les profs en mal de vrais programmes d'Histoire feraient bien, pour une fois, d'y refléchir un peu. Un rapport gouvernemental, rédigé par une commission d'historiens, va d'ailleurs dans ce sens en préconisant de réduire le nombre de commémorations publiques et nationales à trois, au lieu de douze actuellement : « le 11 Novembre pour commémorer les morts du passé et du présent, le 8 Mai pour rappeler la victoire sur le nazisme et la barbarie, le 14 Juillet qui exalte les valeurs de la Révolution française.»

Les arguments ne sont pas idiots: la multiplication des commémorations nuirait en fait au devoir de mémoire, en diluant l’intérêt porté. Il ne s’agirait que de « clientélisme » envers les communautés qui les ont demandées.

C'est pas moi qui l'ai dit.

Laissons leurs souvenirs à ceux qui en ont. C'est personnel un souvenir. Et laissons les hommages publics aux incultes, aux politicards et aux commerçants. Et foutons la paix à ces pauvres gamins.

De toutes façons les thèmes scolaires sont mortels...y a qu'à regarder le thème de l'Alsace-Lorraine dans les manuels scolaires du primaire de 1875 à quasiment nos jours, pour comprendre. On a tout fait :l'Alsacienne à la coiffe sur les boites à biscuits,, Jeanne d'Arc, la sainte Lorraine,les fausses cartes de France dans les manuels scolaires (Si, si, j'en ai un de l'époque, c'est renversant !) etc. Et jusqu'au FN qui commémore de nos jour la fête de Jeanne d'Arc ! On peut dire que c'est avec ces bouffonneries qu'on a bâti de toutes pièces notre identité nationale sous la IIIe République. Et la guerre de 14 en bouquet final, evidemment. On s'est construit autour du deuil d'une province perdue. Comme Israel s'est construit autour de la mémoire de la Shoah finalement, le mensonge en moins, c'est vrai. Mais j'imagine ce que peut être un manuel d'histoire en Israel ! Pauvres gosses !

Quel est le mobile réel de toutes ces associations qui font la chasse aux Justes pour leur décerner une médaille (le plus souvent à titre posthume), médaille qui, d'après Simone Veil "contribue à rétablir l´Histoire dans sa vérité."

Et au nom de la morale qui dit que" Quiconque sauve une vie sauve l’Univers tout entier "

Le dernier poilu de chez nous, recemment décédé en 2008, a foutu la merde chez les commémoratifs en refusant tout hommage particulier et obsèques solennelles. Il se disait " pacifiste forcené".

Pas sûr que ça va trainer dans les livres d'histoire de la République...

Yvonnic,iconoclaste

Tiens, une anecdote qui me fait froid dans le dos : Un couple a comparu en France après avoir filmé ses ébats sexuels sur le monument dédié à la mémoire de 60 000 soldats canadiens morts durant la Première Guerre mondiale. Condamnation pour exhibitionnisme aggravé . Il n'y avait pourtant personne pour regarder. Donc, je ne vois pas bien où est l'exhibitionnisme. Ah si,il y avait 60 000 morts qui regardaient....
Alors là d'accord.

nescio a dit…

Mon courroux 'coucou' comme aurait dit Desproges...en fait, c'est plus un ras-le-bol devant la bêtise fièrement affichée. Oui, ça m'énerve, qu'une gamine dise à son prof qu'elle opte pour Yad Vashem et que sa prof ne lui dise pas qu'elle se goure, parce que le nom n'a pas été choisi en hommage à l'un d'entre eux, mais en référence à un texte 'sacré'. Et que, ce peu souci de vérification, mis en parallèle avec l'audience grandissante dont bénéficient les simplificateurs et les bonimenteurs -dont Dieudo et Benoît ne sont que des exemples- m'interpelle et m'effraie. Et non, pour une fois, je ne suis pas d'accord avec toi. Je ne pense pas qu'il faille 'ficher la paix au gamins' comme tu dis : il ne s'agissait pas d'une commémoration mais bien d'un travail scolaire portant sur Auschwitz ('vous avez de la documentation sur...euh...ôschwit là vous savez...?') et sur les 'Justes'. Ok pour 'ramasser' les commémorations sur quelques moments dans l'année, mais ok surtout pour ne pas bannir cet aspect-là de l'histoire des programmes scolaires.

Yvonnic a dit…

Ok. Notre ras-le-bol respectif ne porte pas tout à fait sur les mêmes sujets. Mais à mon avis tu mélanges deux choses : l'inculture et l'imbecillité. Les deux progressent,c'est certain. Et il est courant de penser que la deuxième s'appuie sur l'autre. Mais en partie seulement.

Dieudonné n'est pas un inculte,et il s'appuie essentiellement sur un public qui ne l'est pas non plus. Ces gens-là savent parfaitement ce qu'ils font et ils profitent des périodes de crise pour placer leurs thèses. C'est éternel. De là à penser qu'une gamine de 15 ans qui ne sait même pas prononcer Auschwitz, puisse courir pour autant le risque de devenir négationniste, raciste ou autre, me parait exagéré. Pour avoir longtemps travaillé en région parisienne, je sais que les gamins et ados ne sont majoritairement pas du tout dans cette culture-là, ce "trip" là.

Une majorité apprendra, une minorité restera ignorante de l'essentiel (peut-être parce qu'on aura noyé l'essentiel dans du commémoratif...) et quelques uns, minuscules miettes, finiront sans doute par gonfler les rangs du service d'ordre du FN, comme les crânes rasés imbibés de bière qui parcourent depuis 20 ans certains quartiers la nuit pour casser du juif ou du noir. Une goutte d'eau que les médias s'acharneront à monter en épingle.

La question, avec les profs, jeunes ou moins, c'est qu'ils sont TOUS à présent, comme notre Président, de générations qui n'ont pas connu la guerre, les guerres en général ni leurs conséquences. Ils enseignent cette période sans motivation particulière, comme une autre période de l'histoire, ce qui n'était pas le cas de nos enseignants. Et puis c'est vrai que les profs actuels sont issus ou héritiers de la génération 68, qui, il faut bien le reconnaître, a "refusé d'assumer l'héritage".

A 15 ans on apprend, et si possible on apprend à apprendre, donc on peut toujours espérer (faire le pari de l'intelligence, comme je dis toujours, rengaine humaniste je sais...). A nos âges, c'est joué, plié. Il ne nous reste plus qu'à nous offusquer, à déplorer, et à croire parfois que nous pouvons peut-être encore faire quelque chose pour freiner le mouvement, à notre petite place de passeurs de culture en boite. Ce qui n'est pas entièrement faux.

On enseignera de moins en moins l'histoire contemporaine avec de la colère, du ressentiment, de la honte, ou du vécu. Parce qu'elle est de moins en moins contemporaine, tout simplement, et que le temps passe pour tout le monde. Quand j'étais gamin, même la guerre de 14 c'était "un vieux truc" plus ou moins chiant. Une simple partie des "programmes" scolaires. Et pourtant mon grand-père l'avait faite (et s'en était sorti). Et pourtant, c'est peut-être maintenant que cette époque m'intéresse le plus.

Mon cher Nescio, nous fûmes tous à un moment ou un autres d'horribles incultes, la honte de nos professeurs (et de nos bibliothécaires). Et alors?

Si tu tapes Auschwitz sur Google, tu as combien de possibilités statistiques, sur les 410 000 sites proposés, de tomber sur un site négationniste ? Pratiquement aucune, surtout dans les premières pages.

Popur reprendre tes derniers propos, on ne bannira jamais le génocide de l'Histoire, mais il sera de plus en plus banalisé, vidé de tout "supplément d'âme" si je puis dire. C'est comme ça. Pour ça comme pour le reste. Et je comprends que cela inquiète. Mais la surabondance des célébrations n'y changera rien.

Yvonnic, ancien ado.

PS. Qui est ce "Benoit" ? Je connais Dieudonné, mais pas Benoit.

nescio a dit…

Sans doute que le soleil tarde trop. Et que ça met mon optimisme habituel à l'ombre, mais là où tu vois une minorité d'incultes, j'en vois un nombre croissant. Ca y est, je deviens un vieux con. Et d'accord avec toi, je fus un jour la honte d'un de mes profs. Sûrement qu'il enseignait les maths ou la physique. A moins que ce ne fût le prof de gym.
Benoît, c'est l'infâme XVI.

Yvonnic a dit…

Moi je l'aime plutôt bien ce Benoît. Il ne se cache pas. Après tant de papes qui ont essayé de nous faire croire que l'Eglise avait changé, évolué, vivait avec son temps, était proche des jeunes etc...en voilà un qui renoue avec le discours bien carré qui nous permettait autrefois de bien identifier l'ennemi, de le verrouiller dans le viseur. Enfin un pape honnête qui traverse dans les clous.

D'ailleurs les cathos ne s'y trompent pas, ils enragent littéralement, croulent sous la honte ou le doute, s'observent avec suspicion. On les comprend : Toutes les manoeuvres d'approche des papes précédents, les papes à papouilles, réduites à néant en quelques mois par un ancien des Jeunesses Hitleriennes !

Il va assez loin dans d'autres domaines, moins mediatisés. Je viens de lire qu'il venait d'être déclaré persona non grata par l'Université de Rome. Il avait en effet déclaré il y a quelques années, et devant des universitaires en physique (!) :" A l'époque de Galilée, l'Eglise était restée beaucoup plus fidèle à la raison que Galilée lui-même. Le procès contre Galilée fut raisonnable et juste."

Commentaire modéré et distancié d'un journaleux : "Le Pape Benoît XVI réactualise une certaine manière d'être Pape, tout à la fois chef d'Etat et autorité doctrinale et morale qui entend s'imposer à l'ordre et à la société laïque."

On avait compris.

2009, année Darwin. Un coup de pôt. Il va peut-être dire un truc important...

Yvonnic, Dieu vous aime

Yvonnic a dit…

Puisque tu roupilles en cauchemardant sur les malheurs du monde, je te livre un petit texte que je viens de trouver, et qui vient completer les (riches) débats que nous avions eus sur les signets et autres marquages plus intimes qui donnent une "valeur ajoutée" à nos chers bouquins. L'auteur n'est pas bibliothécaire. (je ne sais pas si un bibliothécaire aurait pu écrire ça)

"Quand mon grand-père est mort, j’ai récupéré une partie de sa bibliothèque. Ce n’étaient pas des livres de grande valeur, mais c’étaient des livres qu’il avait lus. Certaines pages étaient cornées. D’autres annotées au crayon à papier. Dans certains cas, le livre n’avait été qu’entamé, la lecture s’étant sous doute arrêtée après une trentaine de pages par manque d’enthousiasme ou manque de temps. Les livres avaient gardé la trace de ces parcours et, à mon tour, je refaisais le même chemin, plusieurs années plus tard. Je m’enthousiasmais avec lui, sautais parfois les mêmes passages. Nous n’étions pas toujours d’accord. Je soulignais, à mon tour, certains paragraphes sur lesquels il était visiblement passé rapidement.

La lecture est une expérience intime et solitaire. Mais les livres se souviennent et, dans certains cas, ils témoignent et offrent en différé des moments de partage. La trajectoire des livres fait leur valeur. J’aime les faire circuler. Le plus souvent, malheureusement, on me les rend sans véritable valeur ajoutée. Certaines personnes mettent tant de diligence à respecter les livres que l’objet ne semble même pas avoir été ouvert. L’ont-elles vraiment lu ? Comment leur dire que je souhaiterais voir revenir l’objet annoté, souligné, déformé, augmenté par leur propre trajectoire de lecteur ? Ces choses-là ne se disent pas et le rapport que chacun a au livre, intimité physique ou distance intellectuelle, ne change pas du jour au lendemain. Dans la circulation des livres et leur devenir historique, la bibliothèque municipale est un endroit privilégié. Il n’est pas rare de retrouver des traces des lecteurs précédents dans les livres que l’on emprunte. Les bibliothécaires n’apprécient guère ces corneurs et griffonneurs impénitents. Ce sont des vandales, des destructeurs de biens publics. “Merci de laisser les livres dans l’état où vous les avez trouvés !” Mais, étant donné la diversité des emprunteurs, je me doutais bien que ces établissements devaient receler certains bijoux en termes de livres “historisés”.

Mon hypothèse est la suivante : le livre de demain sera plus intense car il permettra, au cœur même de l’expérience de la lecture, de percevoir les chemins des autres lecteurs. Il est encore tôt pour dire quelle forme pourra prendre ce livre. Il s’agira peut-être d’un écran portable avec un bon confort visuel. Mais l’on pourrait tout à fait imaginer des couvertures interactives ou autres marque-pages pouvant “augmenter” un livre traditionnel."

J'aime beaucoup l'intro sur les livres du grand-père. C'est un texte interessant, à lire intégralement. L'auteur y parle aussi du "bookcrossing".
A lire sur http://www.internetactu.net/2007/04/23/futur-20-si-les-livres-pouvaient-parler/

Yvonnic, marchand de sable

nescio a dit…

Ah mais, je ne dors pas tout le temps! Et quand je dors, je ne cauchemarde pas : j'écrase du sommeil du juste.
Très joli texte ceci dit, merci!
Et sur le 'respect' de l'objet-livre, je suis il y a peu tombé sur un manuel des bonnes manières du début du 20e. Il y avait un passage à ce sujet-là, m'en vais le retrouver et vous le citer tout bientôt.

Anonyme a dit…

Bravo pour votre blog que je découvre... votre mauvaise humeur sur l'avancée de la bêtise et de l'ignorance me fait penser à un médecin qui se plaindrait de ne voir en consultations que des patients...malades !
d'ailleurs je ne tourve pas si incongru d'avoir pensé que Yad Vashem put être un homme ou une femme. Bon, c'est vrai que certains ados ont le don d'agacer. Ne parlons pas du sexagénaire réac de Rome...

mustango a dit…

Yad vashem ça veut dire "la main tendue" en hébreu.
Il y a un bon livre de Lucien Lazare qui s'appelle le livre des Justes (c'est un spécialiste de la question il est historien et très souvent à Yad Vashem justement )ainsi qu'un de Marek Halter qui s'appelle la force du bien (et les deux peuvent être lus par des ados). J'ai travaillé un an sur les Justes alors j'ai quand même un peu de mal à comprendre, connaissant bien le sujet, que Yvonnic puisse trouver les commémorations sans intérêt, dans ces cas la socio, la psycho, la littérature et toutes les sciences humaines et sociales sont sans intérêt...
Par rapport à la Résistance armée (sabotage etc) dont l'histoire a largement été étudiée, commentée, racontée, la "résistance sans les armes" appelée aussi résistance avec les armes de l'esprit ou non violente, a été moins connue, moins étudiée, pour la simple et bonne raison que les "acteurs" ont eu le sentiment de ne rien faire de spécial, ils ne se considéraient pas comme des héros et minimisaient leurs actions. Beaucoup de témoignages évoque le côté naturel et banal du sauvetage. Rappelons quand même que certains sauveteurs ont payé de leur vie l'aide ou/et la cache de Juifs (Daniel Trocmé, neveu du pasteur Trocmé) alors on ira quand même pas dire qu'ils n'ont rien fait. Un premier pas a été fait dans les années 80 avec un colloque comme "Cévènnes terre de Refuge" Ph Joutard P Cabanel.
Bref, ce contexte spécial qui a poussé certains à prendre des risques en sauvant des individus sans rien en échange (et certainement pas une médaille, un diplôme et un arbre planté à leurs noms en Israel)nous permet de nous interroger sur ce que nous, on aurait fait dans de telles circonstances (difficile à dire cela dit!) mais pour ne parler qu'en mon nom ça m'a permit de réaliser que lorsque un Etat balance des lois racistes (1er et 2ème statuts des juifs octobre 1940, juin 1941), iniques, quand la traque prend une si grande ampleur à l'échelle européenne etc on peut se déclarer "au dessus" de ces lois et chercher des réponses ailleurs que dans l'attentisme. Ca a été le cas de quantité de pasteurs protestants, informés par des canaux d'info suisses, allemands, vigilants dès les années 30 sur ce qui se passait en Allemagne et informant leurs ouailles.
Je ne vois pas trop quelle plaisir on aurait à oublier un passage de l'histoire riche d'enseignements, ni à se précipiter pour que des collégiens n'en sachent surtout rien...