10 mai 2007


Nazis suédois


Stefan Lindman est policier. Nous l’avons déjà rencontré dans ‘Avant le gel’, la première enquête de Linda Wallander, du même Henning Mankell. Il y tenait un second rôle. Il n’a pas encore 40 ans, mais il a déjà un cancer. De la langue. C’est la seule chose à laquelle il arrive à penser. Cette foutue boule sous son palais. Même la sollicitude de sa compagne Elena n’arrive pas à calmer ses angoisses. Le temps que les analyses soient terminées, il se prépare à vivre l’enfer, incapable de se concentrer sur autre chose que cette lancinante question ‘combien de temps me reste-t-il ?’. C’est la mort de son ancien collègue Herbert Molin qui va le tirer de sa léthargie. Celui-ci a été torturé dans sa petite maison perdue dans les bois, là-bas, dans le fin fond de la Suède. Bien qu’il n’ait aucune légitimité pour enquêter en-dehors de Boras, sa ville, Lindman décide d’effectuer le voyage dans le Härjedalen, la contrée que Molin avait choisie pour ses vieux jours. Très vite, il se rendra compte qu’il ne connaissait pas le vieil homme et que le passé de Molin devait être assez lourd à porter. Mais ce qui va le plus déstabiliser Stefan, ce sont d’autres découvertes imprévues. Et qui le touchent de près, puisqu’elles concernent son propre père, un homme de la même génération que celle de Molin.
Inutile de le cacher, puisque le fait apparaît très clairement dès les premières pages du livre, le cadre de l’enquête de Lindman, c’est la Seconde Guerre mondiale et, plus précisément, l’attitude de certains suédois durant cette période, attitude qui continue à faire des émules autour de Stefan. Imprégné de sa maladie, co-habitant avec son cancer, Lindman, va trouver dans cette enquête de quoi détourner son attention : peut-être y a-t-il là quelque chose de pire que son cancer ? Quelque chose de plus dangereux que cette maladie et qui mérite qu’il s’y attaque de toutes les forces qui lui restent ? Cette enquête, il ne va pourtant pas cesser de vouloir l’abandonner. Sans arrêt, ses collègues et sa compagne lui demandent : quand rentres-tu ? Et de répondre à chaque fois : ‘demain’ ou ‘après les obsèques’. Et pourtant, il ira bien jusqu’au bout, à l’image de Wallander, l’autre personnage de Mankell qui, lui aussi, s’interrogeait sans cesse sur le pourquoi de ses enquêtes et qui, malgré tout, les menait toutes à bien. Comme lui, Lindman est animé par une force qu’il ne comprend pas lui-même, une pulsion qui le pousse à aller jusqu’au bout de ce qu’il a entrepris, au-delà des difficultés et de la répulsion que lui inspirent certains agissements sur lesquels il enquête. Comme s’il y avait là une promesse muette. Celle d’une vie qui ne s’arrêterait pas si facilement ?
Une fois encore, Mankell touche à l’essentiel et, même s’il se défend de vouloir donner des leçons, au travers de ses personnages campés tout en finesse et d’une intrigue encore une fois passionnante, c’est à penser qu’il nous incite. Et à garder les yeux ouverts.


'Le retour du professeur de danse', Henning Mankell, Seuil, Points

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