23 avril 2007

Septante-cinq ans

Nous avons le même médecin et, ce matin, à l’aurore, nous nous sommes croisés dans sa salle d’attente. Presque 35 ans nous séparent mais, question joie de vivre et dynamisme, tu pourrais en remontrer à la majorité des mollusques de 16 ans que je rencontre à la bib. Entre deux quintes de toux, tu en as profité pour me demander si je fermais en cette période de congé pascal. ‘La deuxième semaine seulement’ t’ais-je répondu. ‘Bon, alors, je viendrai cet après-midi’.
Et effectivement, te voilà.
‘Ah, ça va mieux, je toussais, je toussais. Un début de pharyngite. J’ai pris un antibiotique, ça va déjà mieux’.
‘Tant mieux’, réponds-je, toujours très vif.
Parce que tu es comme ça, tonique et extravertie, tu n’hésites pas à me détailler ton entrevue avec le toubib. D’une poussée du pied, je m'éloigne du bureau -le fauteuil à roulettes, un de mes plaisirs simples- et je détache mes yeux de l’écran du portable.
‘Ben, tu sais, il m’examine là et là (mouvement des mains qui tapotent sur ta poitrine, ton cou, ta tête) : tout va bien, tout va bien. Il regarde dans mes oreilles et il me demande si je n’ai pas mal, parce qu’en plus, j’ai une otite. ‘Oui’, que je lui dis. Alors, il fait son étonné parce que je ne lui avait pas signalé depuis le début. Ben, que je lui fais, on n’arrêterait plus de se plaindre si on commence comme ça.’

17 avril 2007


A Lisbonne

Plein soleil et néanmoins fraîcheur : j’ai trouvé la terre mosane déjà trop chaude à mon retour.
Un petit resto où la carte était écrite au bic – et raturée. Ce qui n’empêche : sardines grillées excellentes.
Des hommes et des femmes qui parlent tout seul, celle-ci à l’arrêt de bus, celui-là au milieu de la rue. Leur ton parfois virulent comme s’ils réglaient des comptes avec l’un ou l’autre invisible.
La tombe de Pessoa et l’indifférence des (autres) touristes.
Des anglais commandant des spaghettis bolognese : le plat de secours tout en bas de la carte.
Le goût incomparable du petit café de l’après-midi.
A propos des (autres) touristes : faut toujours que j’en croise qui se comportent en conquérants. A mettre en rapport avec la mauvaise humeur bien affichée de certains chauffeurs de tram et de bus.
Un des premiers cd de Chris Rea : je le cherchais depuis des lunes. Bon moment, bon endroit sans doute.
Et la main qui s’accrochait à mon bras dès que nous sortions de l’hôtel : papa, me perds pas dans cette grande ville inconnue.
See that twinkle in your eyes. Precious moments never die
(John Watts ; Fischer-Z : ‘Red Skies over paradise’, 1980)

10 avril 2007


Lisbonne


Quelques jours sur les traces de Pessoa et d'Amadeu de Prado. Outre le 'Routard', j'emporte avec moi 'Les Falsificateurs' d'Antoine Bello et 'Le retour du professeur de danse', dernier polar mankellien pas encore lu. La valise et les billets sont prêts, le magnéto est programmé : alles in orde. Goede reis!

05 avril 2007

Fadila veille sur moi

Il y a des jours où je me demande si les hautes sphères pensent à moi. Si ma ministre, Mme Fadila Laanan a, de temps en temps, une pensée émue pour mon action quotidienne et non-désinterressée (je ne suis pas bénévole) en faveur de la lecture publique et, plus largement, de l'éducation permanente. Voici que m'arrive un courrier qui m'ôte tout doute. Même si elle ne m'écrit pas elle-même (je comprends bien : elle n'a pas que ça sur le feu), qu'elle ait pensé à me faire part de son avis sur un point d'actualité me réchauffe le coeur. Si, si. Et puis, c'est quand même signé par le (nouveau) responsable de la Lecture Publique. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer quelques extraits de ladite lettre :
'Madame la Ministre souhaite attirer votre attention sur un opération de propagande obscurantiste lancée à l'endroit des bibliothèques publiques de la Communauté française. Elle consiste à envoyer gratuitement 'L'Atlas de la Création'. Son auteur Harun Yahya attaque les théories de l'évolution, et nie les vérités scientifiques les plus élémentaires. Comme vous l'avez certainement déjà décidé, il y a lieu de ne pas verser ce type de littérature obscurantiste dans vos collections. Madame la Ministre insiste sur le fait que l'ouvrage à Harun Yahya ne doit pas être mis à la disposition des usagers'.
Deux choses : comme me le faisait justement remarquer ma fille de 15 ans pas plus tard qu'avant-hier : 'quand j'entends une fille me dire 'la voiture à mon père', je sais tout de suite que ses notes en français ne doivent pas être terribles'. Et donc, 'l'ouvrage DE Harun Yahya' aurait été plus judicieux, surtout dans une missive officielle de Ministère de la Communauté FRANCAISE (comme la langue).
Mais je suis sans doute mesquin. Ce sont les vacances de Pâques, personnel réduit au Ministère, plus personne pour relire.
Deuxièmement : cette formule 'comme vous l'avez certainement déjà décidé' ne serait-elle pas légèrement du genre à nous prendre pour des abrutis tout en essayant très finement de ménager notre susceptibilité? Des fois que nous n'ayons pas lu tous les articles de presse parus à ce sujet (c'est quand même notre métier : lire autre chose que la météo), des fois que nous intégrerions un bouquin sans l'avoir au préalable et au minimum parcouru, le Ministère est là, tel l'incroyable Hulk repoussant les forces du mal camouflées dans un beau livre tout en papier glacé, pour nous éviter de commettre une grosse bêtise. Un seul mot : merci.

02 avril 2007

Policier de comptoir (de prêt) - 2

Si le coup de fil n'a rien donné (ou que je n'ai pas pu le passer : certains d'entre vous prétendent ne pas avoir de téléphone), il y a encore la visite à domicile. Comme le docteur.
C'est toujours un grand moment. Un de ces instants durant lesquels la pensée 'mais merde, pourquoi est-ce que je fais ça, je ne suis ni flic ni huissier?' me saisit au moins quelques secondes. Juste avant d'être annihiliée par un subtil mélange de conscience professionnelle et de regrets pour ces livres perdus. Ils ont été choisis et catalogués avec attention, leur place toute vide sur les rayonnages m'apparaît chaque jour plus insuportable. Je dois agir donc.

Samedi midi, en quittant la bibli, je fais un petit détour pour rentrer, histoire de voir si tu es chez toi. Miracle : ta boîte aux lettres, qui déborde pendant la semaine, est vide et une voiture stationne devant ta porte. Je sonne. Tu entrouvre l'huis et oses la tête par l'entrebâillement.

-'Bonjour, vous me reconnaissez?'
-'Euh, oui...j'ai des livres à vous?'
-'Effectivement....(reprise de ma tirade, voir post précédent. Remplacer 'je me permets de vous appeler', par 'je me permets de passer vous dire bonjour').

Là aussi, c'est assez efficace. Et plus rapide : je m'en vais avec les bouquins sous le bras. Et, oui, là aussi : usager perdu.

Musique

Juste ceci : lorsque les petits matins sont faciles, qu’ils ne demandent pas l’aide tonique des Tokyo Police Club ou des Klaxons, lorsqu’au contraire un peu de douceur s’avère bienvenue,
AaRON prend presque tout seul le chemin de mon autoradio. Quelque part entre les Tindersticks et Sophia, des mélodies calmes aux claviers omniprésents, jamais une note plus haute que l’autre : l’écouter en public vous fera immanquablement passer pour un triste sire. Là vous aurez beau argumenter, dire que, certes, ce n’est pas Philippe Lavil, mais que c’est simplement un brin mélancolique au même titre que ce roman de Philippe Claudel, ‘Les âmes grises’. Rien n’y fera : cette voix souple et grave, cette manière audible de reprendre son souffle entre deux couplets et ces textes aux sujets tristounets auront raison de votre défense. Qu’importe, vous vous le repasserez en boucle, parfois au casque : juste la voix, la musique et vous.

Aaron : Articifial Animals Riding on Neverland