29 février 2008

Reclassement



Alors comme ça, tout était faux. Toute cette histoire, c'était de l'invention. Grâce à l'acharnement d'un journal, 'Le Soir', nous apprenons aujourd'hui que le récit 'autobiographique' de M. Defonseca, 'Survivre avec les loups', relève finalement de la fiction pure. Reste peut-être une belle histoire; j'écris 'peut-être' parce que je ne l'ai pas lu.
J'imagine que je ne suis pas le seul bibliothécaire à y penser : toutes les bibliothèques qui l'ont acquis avant aujourd'hui vont probablement devoir réviser la fiche catalo de ce récent objet du délit. Et le faire passer du rayon 'autobiographies', ou 'biographies' ou encore 'récits de vie' à ceux consacrés aux fictions. Sauf dans 'ma' bib. Non, il ne s'agit pas encore de l'une de ces prémonitions bibliothéconomiques qui assoient ma réputation plus loin que l'internet ne porte. C'est plus simple. Notre exemplaire nous fut légué par un zélé lecteur. Une édition 'club', style France Loisirs. Le parcourant aujourd'hui, je me rends compte qu'à aucun moment il n'est précisé que c'est une histoire vraie. Fort logiquement, il s'est donc retrouvé avec les autres romans.

26 février 2008

Eternels disparus

J’ai déjà dit ici tout le bien que je pensais d’Arnaldur Indridason. C’est avec ‘L’homme du lac’, quatrième enquête du commissaire Erlendur qu’il nous est revenu fin 2007. Quelques mots pour vous allécher.
Tout commence avec un phénomène inexpliqué : la baisse soudaine et régulière du niveau du lac de Kleifarvatn. Voilà qui n’aurait normalement pas dû concerner la police criminelle de Reykjavik. Sauf qu’un beau matin, une promeneuse découvrit à quelques mètres de l’ancien rivage du lac ce qui ressemblait bien à des ossements humains, solidement attachés à un vieil émetteur radio. Le cadavre se révélât rapidement dater d’une trentaine d’années ; quant à la cause du décès, nul doute qu’elle ne revêtait aucun caractère accidentel. Le nombre de personnes disparaissant chaque année en Islande étant assez réduit, Erlendur décida tout simplement de reprendre chaque dossier non résolu de disparition datant de la fin des années ’60. Ses recherches l’aiguillèrent vers une femme dont le fiancé n’avait plus donné signe de vie depuis 1968. Un soir, alors qu’ils avaient rendez-vous, l’homme, toujours si ponctuel, n’était tout simplement jamais venu. Sa voiture avait été retrouvée quelques temps plus tard, stationnée devant la gare de Reykjavik. La femme, qui devait bien avouer ne pas savoir grand-chose du disparu –ils ne se connaissaient pas depuis longtemps- ne s’était visiblement jamais relevée de cette épreuve et semblait toujours espérer un improbable retour.

Touché par cette histoire, Erlendur va, au risque de contrarier ses collègues, focaliser la résolution de l’énigme de ‘l’homme du lac’ sur la personnalité du fiancé disparu.
C’est encore une fois à son enfance qu’Erlendur se voit confronté. Marqué par la disparition de son frère, intervenue alors qu’ils étaient tout jeunes, il ne peut qu’être interpellé par l’histoire que lui raconte cette femme. Comme elle, il n’a sans doute jamais cessé d’espérer qu’un jour son frère ressurgisse du passé, bien vivant. Dès lors, il met toute son énergie, son cœur et son flair de flic au service de cette nouvelle quête : identifier l’homme du lac, comprendre comment il a fini là, qui l’y a mis, et pourquoi. Même s’il ne dispose d’aucune preuve que ce squelette soit bien le fiancé disparu, il demeure intimement convaincu de l’existence d’un lien entre les deux affaires. Il ne sait pas lui-même ce qu’il veut réellement. Opérer une coupure nette et définitive dans les espoirs de la femme ? Où la conforter dans son espoir insensé qu’un jour son homme réapparaisse ? Qu’importe, patiemment et sans se soucier de l’opinion des autres, Erlendur va suivre sa piste, celle de cet homme dont il ne sait rien et à qui il veut désespérément rendre une identité, une histoire, une vie. Quelle qu’elle soit : celle d’un salaud qui a planté là celle qui l’aimait, ou celle d’une victime oubliée méritant au minimum une sépulture digne de ce nom.

L’homme du lac / Arnaldur Indridason ; traduit de l’islandais par Eric Boury. – Paris : Métaillé, 2008. – 348p. – 19 euros

12 février 2008

Rôle social

Ces derniers temps, tu es plutôt déprimée et, aujourd'hui, lorsque tu es rentrée, j'ai toute suite su que ça n'allait pas mieux. Ta dernière fille vous a laissés seuls, ton mari et toi. Et je sais que cette séparation fut agitée; tu m'en as raconté quelques épisodes. Elle n'a pas vingt ans, tu me dis qu'elle a perdu la tête pour un jeune voyou et qu'elle a tout quitté du jour au lendemain. Elle vit loin de vous à présent. A t'entendre, il s'agit d'un squat, sans le moindre confort et, en tous cas, trop loin du village. Tu ne la vois plus que rarement et chaque rencontre se termine mal. Ses mots sont durs pour vous; c'est ce qui te peine le plus. 'Il ne me reste plus rien. Avec mon mari, on est comme des cohabitants. Qu'est-ce que je peux encore faire de ma vie? Prendre les poussières et faire les courses une fois par semaine...'. J'ai compris que tu n'exagérais pas et que cette histoire te minait au plus profond. Alors que je cherchais quelque chose de vaguement réconfortant à te répondre, d'autres lecteurs sont arrivés, m'obligeant à me détourner quelques instants. Tu m'as demandé de garder ça pour moi, puis tu es partie.