29 décembre 2006


Les Coulisses du Pouvoir, tome 7


C'est en parlant avec Locus Solus de la formidable série télé 'State of play' que ça m'est revenu. Si vous ne la connaissiez pas, je serai celui qui comblera cette lacune. Une bd, de celles que l'on lit et relit avec plaisir. Son auteur est d'ici, pas loin, on le voit peu, c'est un garçon discret. Jusqu'à l'avant-dernier opus de la série, il n'assurait 'que' le scénario. Avec ce nouveau volume -le 7ème- qui vient de sortir chez Casterman, et pour des raisons qui ne regardent que lui et son ex-dessinateur, les albums ne portent plus que sa seule signature. Il s'appelle Philippe Richelle et sa série s'intitule 'Les Coulisses du Pouvoir'.Comme une certaine émission télé qui lui a -selon moi- honteusement piqué l'idée.

Complexes, fouillées, documentées, ses intrigues mettent en scène de nombreux personnages, plongés dans des intrigues touffues et principalement ancrées dans la politique et les finances. A plusieurs reprises d’ailleurs, on peut, au long d’un album, déceler l’un ou l’autre fait tiré de notre proche actualité politico-économique européenne. Deux flics de Scotland Yard assurent les premiers rôles : Caine et Burkinshaw. Ils sont entourés, selon les circonstances, d'une multitude de seconds rôles : politiciens, hommes d'affaires et petits malfrats. Ces derniers sont d'ailleurs régulièrement présentés comme 'victimes' plus que comme coupables. Victimes de leur passé et des hommes de plus grand pouvoir qu'eux. S'ils arrivent à s'en sortir, ce sera souvent cher payé. Quant aux politiques corrompus et aux hommes d'affaires véreux, s'ils se sentent coincés, souvent ils se suicident. C'est d'ailleurs par un (pseudo?)-suicide que débute ce nouvel opus, intitulé 'Disparitions'. Quelques jours après la découverte du corps, l’un des associés du décédé disparaît. En creusant un peu, Caine et Burkinshaw découvrent que le projet immobilier dont les deux hommes s’occupaient semble engloutir bien plus d’argent qu’il n’en rapportera. Parallèlement à cette intrigue, nous suivons les pas d’un jeune homme, ancien délinquant, qui tente de refaire sa vie honnêtement, avec l'espoir de conserver un droit de visite de son fils. Rattrapé par son passé peu glorieux, sa route croisera celle de l’imbroglio que Caine et Burkinshaw tentent de démêler.

23 décembre 2006


A ma place

Samedi matin, 8h30. Quatre heures d'ouverture au public débutent. Ce sont les dernières avant cette fermeture de fin d'année. J'ai conduit tout en douceur pour arriver. Il s'agissait de se laisser bercer par le Radiohead spécialement choisi pour l'occasion, mais également de savourer chaque kilomètre parcouru dans le calme de cette non-circulation matinale. Vous n'allez pas tarder à arriver, aussi nombreux qu'hier sans doute, vous chercherez avidemment de quoi occuper ces quelques jours de repos. Certains d'entre vous auront un mot gentil en sortant : '
passez de bons réveillons', 'je vous souhaite de joyeuses fêtes'. 'Pareillement' ou 'à vous aussi', répondrais-je en vous remerçiant. Pour vous qui ne me rendez visite qu'une ou deux fois par mois, cette période de fermeture ne changera pas grand-chose. Dans 15 jours, vous reviendrez et je serai toujours là, comme si je n'avais pas bougé, vissé derrière mon comptoir de prêt.

16 décembre 2006

Le confort (2)

C'est un hasard : je suis repassé l'autre jour devant la bâtiment qui auparavant abritait la bibliothèque. A l'époque : un bunker. Aujourd'hui : un local presque mignon, repeint à neuf, chauffé centralement et agrémenté de deux jolies toilettes, le tout destiné à l'accueil extra-scolaire. L'accueil extra-scolaire? mais oui, vous savez, un service que les communes sont obligées de mettre en place pour les enfants de tous les réseaux d'enseignement (l'officiel et le libre) : une super-garderie du matin, du mercredi après-midi et du soir. Ce blog n'est pas le bon endroit pour débattre de la justesse de ce genre d'obligation, mais le seul fait de cette remarque vous mettra sur la piste de ce que j'en pense. Bref, là où auparavant on me répliquait que impossibilité technique à installer le chauffage central et des commodités, et aussi que pas d'argent, je remarque qu'en un an, de décissifs progrès technologiques et financiers ont été engrangés, permettant par là-même à l'administration communale de rendre ce local dès plus civilisés. Car, non, vraiment, je ne peux croire qu'une quelconque mauvaise volonté ait valu d'aussi précaires conditions matérielles à la lecture publique pendant plus de 10 ans.
Millenium, part II

Le deuxième tome de 'Millenium' fut un véritable régal de lecture : intrigue prenante, complexe et qui pourtant coule de source : on ne se perd pas un seul instant parmi ces multiples personnages aux patronymes bien nordiques. Les acteurs essentiels du premier tome sont toujours présents : Lisbeth Salander, jeune femme aux multiples et improbables compétences mais toujours aussi caractérielle, et Michaël Blomkvist, le super-journaliste redresseur de torts.
Cette fois, c'est à l'exploitation sexuelle que nos deux héros s'attaquent; leur vie intime et personnelle en subira les conséquences. Pour faire bonne mesure, l'auteur, Stieg Larsson, en profite pour dénoncer les dérives sensationnaliste de la presse, pour fustiger les coincés qui ne supportent pas les homosexuels, sans oublier les macho-men incapables de concevoir qu'une femme puisse les dépasser en quoi que ce soit. De manière générale, Larsson s'appuie, souvent avec humour, sur une intrigue solide -même si certains grincheux la trouveront rocambolesque dans ses dernières pages- et mitraille au gros sel la connerie humaine. Moi, je dis bravo, et vivement le tome 3.

11 décembre 2006

François Villon et San Antonio

La semaine passée, une lectrice me ramène 'Je, François Villon' de Jean Teulé : 'vous l'avez lu?'. Ma réponse négative entendue, elle me fait savoir que c'était terrible. Et elle précise : 'scatologique et pornographique, mais je l'ai lu jusqu'au bout...'. Me voilà rassuré :que les livres ne soient pas lus intégralement à chacune de leur sortie, voilà qui m'aurait déçu. 'Tout livre emprunté doit être lu dans son entièreté' est effectivement le point 1 de notre règlement. Bref, ça m'a rappelé cette phrase délicieuse d'une petite dame qui, me rendant un San Antonio, me dit sur le ton de la confidence : 'Mon mari me dit de vous dire que ce n'est vraiment pas pour tout le monde ce livre'.

10 décembre 2006

Un peu de fédéralisme

Je me rends compte qu'une bonne partie des lecteurs de ce blog sont français. Il y a donc de fortes chances pour que le terme 'Communauté française', qui revient de temps en temps dans ces billets, soit mal interprété. Sous cette délicieuse dénomination, peut-être imaginent-ils un rassemblement de leurs compatriotes exilés en Belgique. Ce qui d'un strict point de vue grammatical serait effectivement exact.
Transformée depuis 1970 en un état fédéral, la Belgique compte de multiples entités 'indépendantes'. Parmi celles-ci, la 'Communauté française', perpétuellement désargentée, gère toutes les matières dites 'culturelles' relatives aux habitants francophones du pays. Bruxellois et wallons donc. En gros, les matières culturelles, ce sont : l'enseignement, la radio-télévision de service public, les centres culturels, les musées (avec quelques exceptions...) et la lecture publique. Quand je dis qu'elle gère, elle a surtout un rôle de législateur et de pouvoir subsidiant. Même si elle est effectivement responsable 'en direct' de quelques institutions, en ce qui concerne la plupart des bibliothèques publiques, la Communauté française n'a pas le rôle d'un pouvoir organisateur, mais plutôt celui d'un super-ministère des affaires culturelles belges francophones. Voilà, j'espère que c'est plus clair maintenant...

06 décembre 2006

Prix fixe

Comment? Vous n'avez pas encore ça, vous en Belgique, le prix unique du livre? Ben non. Et donc, on pétitionne : www.prixfixedulivre.be
.

05 décembre 2006

30 bibliothécaires dans une salle de classe…

En formation avec une trentaine de confrères pour la plupart inconnus, je ne peux m’empêcher de penser que nous, bibliothécaires, une fois sortis de nos rayonnages rassurants, sommes incapables de maîtriser notre profonde fibre asociale. Par exemple, si nous constatons que nous ne connaissons personne dans l'assemblée, nous nous asseyons dans un coin de la classe et n’adressons la parole à nos semblables que contraints et forcés. Aux rares moments de pause, nous laissons gaiement éclater notre sens inné de la convivialité en sortant qui un bouquin, qui un journal, afin d'éviter tout contact inutile. Face à une formatrice pleine de bonne volonté –mais sans doute plus très à jour question pédagogie participative, dixit une spécialiste de mon cœur à qui je n’ai pu m’empêcher de relater ces journées- nous affichons au mieux un profil poli et vaguement intéressé entre deux baillements, au pire une présence uniquement physique parce qu’il faut bien. Et encore, c’est sans compter les retardataires systématiques, les départs anticipés ‘pour ne pas manquer mon train’ et les sorties de classe intempestives à mettre au compte d’une vessie saturée.
Bien sûr, nous sommes capables d’attention. Par exemple, forts de notre culture générale étendue, nous veillons à ce que la formatrice ne commette pas la plus petite erreur d’appellation si elle devait se risquer dans une digression hors de son champ de compétence. Auquel cas, nous ne manquons pas de la remettre poliment dans le droit chemin...

28 novembre 2006

Joyeux Noël!

Tu es bien une des seules avec qui je perds patience. Je t'avais déjà envoyé promener à l'occasion pour une lecture scolaire que j'avais refusé d'acheter. Mercredi passé, tu m'interroges sur les dates de fermeture pour le prochain congé de Noël. Aussi poliment que possible, je te réponds quelque chose du style : 'la même chose que les congés scolaires'. Instantanément, ta voix monte dans les aigus -tu n'en peux sans doute rien, ce n'en est pas moins très énervant- pour me répondre : 'quoi, les QUINZE jours?'. Je n'ai ni l'envie ni le courage de t'expliquer que, vu les nombreux jours fériés de Noël et de Nouvel An, et vu la croissance exponentielle de mes heures de récup, il serait stupide de ma part de ne pas en profiter pour cumuler ces deux données. Je sais, le service public, les lecteurs qui pourraient en profiter, les jeunes qui vont s'ennuyer, le dépit de mes groupies etc etc... mais c'est la conséquence incontournable d'un service à personnel unique. Sincèrement, ça me désole, parce que ce n'est pas la manière dont je voudrais que la bib fonctionne. Et je te l'ai déjà expliqué. Bref, je me contente de te répondre : 'oui'. Tu rebondis immédiatement : 'comme nous sommes le 22 et que le prêt est pour un mois, les livres qu'on ne vous a pas rentrés avant cette fermeture, vous les prolongez automatiquement alors?'.

19 novembre 2006

Sisyphes

Quand ce n'est pas l'un, c'est l'autre. Les lecteurs ou les livres. Dès les premiers jours de nos études de bibliothécaire, l'évidence nous avait sauté aux yeux, aux plus perspicaces de mes petits camarades et à moi-même : la bibliothèque idéale, celle que nous rêvions de rejoindre un jour, se devait d'être interdite aux lecteurs. Ce n'est qu'après, la pratique venant et le métier nous essouflant petit à petit, que l'incomplétude de notre réflexion nous frappa : les livres, quelles chienlit! Faut les choisir, les catalographier (selon des règles bien précises encore, si vous aviez pensé que titre/auteur ça pourrait suffire, vous avez bien fait de vous lancer dans une carrière d'ingénieur atomiste, c'est sans doute plus simple), les équiper, les mettre en prêt et les ranger un nombre incalculable de fois, toujours à ce même endroit qu'ils ne cessent de quitter. Sans compter que certains d'entre eux prennent un malin plaisir à se déteriorer, pour que nous perdions notre temps pourtant si précieux à les réparer à coup de papier collant et de colle blanche. Tout ça pour finir un jour ou l'autre par les retirer définitivement des rayons, parce que dépassés ou plus assez attirants pour vos lecteurs.

18 novembre 2006




Une question de taille




Aujourd'hui, tu m'as surpris. Vraiment surpris. Depuis toutes ces années que tu viens, tu n'as jamais dérogé à la règle. Tu passes une fois par mois, tu t'avances jusqu'au comptoir et tu me rends tes livres. Ils me reviennent toujours avec cette légère odeur de tabac qu'ils n'avaient pas lorsque tu les as emportés. Tu me dis quelques mots, mais je ne comprends pas tout. Tu fais partie de ces nombreuses familles italiennes immigrées dans le village. Bien sûr, tu parles français, mais ton accent et ce grand âge qui te fait mâcher tes mots rendent certains d'entre eux parfois difficilement compréhensibles. Ensuite, tu te promènes dans les rayons. Avant, tu prenais bien ton temps; depuis quelques mois, tu es obligé de te dépêcher : c'est ton fils qui te conduit. Il t'attend dans la voiture, son moteur pas éteint : 'faut que je me dépêche, les jeunes, c'est toujours pressé'.
Tu ne regardes jamais les présentoirs à nouveautés, tu préfères visiblement fouiller dans les bouquins bien serrés les uns contre les autres. Ton choix effectué, tu t'avances vers moi, tes 4 ou 5 livres en main. Toujours des poches, jamais de grand format. Des années de lecture en petite taille. Sauf aujourd'hui.
Sur les 4, il y avait une édition originale, un 'grand' livre. Après tout ce temps, cette routine bien réglée et rassurante -même pour moi- qu'a-t-il bien pu se passer pour que tu te décides à sauter le pas? Je me le demande encore.

09 novembre 2006


Le confort


Dans l'ancienne bibliothèque, celle de 'la chaise', il n'y avait même pas de toilettes. On m'avait donné un double des clés de l'école communale, et débrouille-toi pour y aller la conscience tranquille : 'mais non, personne de viendra sur ce temps-là, tu peux bien laisser la boîte sans surveillance cinq minutes'.

Evidemment, pas de chauffage non plus. A la place : un poêle à mazout cylindrique qui tournait (parce qu'il était cylindrique sans doute...) sans discontinuer 4 à 6 mois par an. On peut supposer que les frais d'installation d'un nouveau système auraient bien vite été amortis par les économies de carburant induites. Mais non, une telle dépense sur un budget annuel, ça aurait fait mauvais genre. Le court terme, toujours le court terme.

Alors que je pouvais voir le givre s'attaquer au pare-brise de ma voiture garée juste devant, les effluves parfumées de ce mastodonte m'ont plus d'une fois obligé à ouvrir une fenêtre du bâtiment. Entre l'asphyxie et un probable refroidissement, j'avais rapidement opté pour le moins pire.

Les premiers froids de ce mois de novembre marquent le début d'un deuxième hiver bien au chaud dans le 'nouveau' local. Le chauffage et les commodités étaient d'origine -langage de concessionnaire automobile- lorsque j'ai déménagé les premiers bouquins. Même le téléphone. Je n'avais plus repensé à tout cela depuis un moment. Le confort, on s'y habitue vite.

07 novembre 2006


Trois jours


Cette semaine de Toussaint fut l'occasion de prendre quelque congé : la commune nous octroyant généreusement trois jours, j'ai complété en puisant dans le pot de mes heures de récup' généralement irrécupérables. Des trois jours officiels, je suis royalement passé à quatre et demi. Peinture murale et taxi pour les enfants, ce ne fut néanmoins pas de tout repos. Rien à côté de ce qui m'attendait à mon retour pourtant.

Que ce soit pour cause de maladie ou pour des congés légaux, la fermeture de la bib et/ou mon absence se paie à chaque fois après. Et devinez le nom de l'unique débiteur. Le courrier s'est accumulé -comme si le facteur s'en était donné à coeur joie : la vengeance d'un fonctionnaire envers un autre qu'il estime plus chanceux parce que en congé- et les livres rentrés lors de la dernière séance de prêt n'en ont pas profité pour regagner leur place tout seuls. Jamais ils ne feraient un effort ceux-là. Je compte bien leur régler leur compte dans un prochain billet.

A chaque fois, ce 'retard' à rattraper me prend de quelques heures à quelques jours selon le durée de mon absence et l'humeur vengeresse du postier. Et pendant ce temps-là, les lecteurs ne s'arrêtent pas à votre porte : ils entrent avec leurs bouquins à rendre et leurs nouvelles demandes. En très peu de temps, le courage que vous aviez rassemblé pendant vos jours de repos s'envole, transformé en une rage impuissante et perpétuellement ressassée : il arrive quand ce nouveau collègue?

31 octobre 2006


Bibdating

Ca devait arriver : curieux que je suis, je n’ai pas résisté à un petite promenade virtuelle dans le monde bibliothéconomique tel qu’il se vit de l’autre côté du rideau de betteraves (pour les non-belges, la signification de cette poétique expression : en Flandre). Là-bas, chez nos compatriotes qui parlent le néerlandais. Mes premiers pas m’ont conduit vers un confrère bloggeur. C’est chez lui que j’ai pour la première fois entendu parler de cette expérience qui en est déjà à sa deuxième édition dans une bibliothèque publique d’Anvers. Ensuite, les échos se sont multipliés, notamment là, sur le site d’un quotidien tout aussi néerlandophone.
Vous en aviez rêvé, nos confrères anversois, marieurs dans l’âme, l’ont réalisé. Ils ont lancé une invitation, limité les inscriptions à 16 personnes et les ont conviées à la cafétéria de la bibliothèque Permeke. Chacun des inscrits se devait de choisir trois livres avant de s’installer confortablement. Ensuite, un maître de cérémonie assignait à chacun sa chacune pour une durée variant de 5 à 10 minutes. Restait aux heureux inscrits à lancer la conversation autour des livres qu’ils avaient sélectionnés. Les avaient-ils aimés, détestés, pas lus ou reçus récemment ? Une fois leur temps écoulé, les voilà obligés de changer d’interlocuteur. Et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les participants masculins aient eu l’occasion de rencontrer leurs équivalents féminins. Ca vous rappelle quelque chose ? Inspiré par le ‘speeddating’ américain, le ‘bibdating’ belgo-flamand n’a jusqu’à présent pas encore fait d’émules en Wallonie.
C’est décidé, après ce congé de Toussaint –pardon, d’Halloween- j’envoie un courrier de demande de subside pour une activité d’animation de ce genre. Le rapport avec les missions d’une bibliothèque publique ? Bah !

27 octobre 2006

Soumission

'Vous n'avez pas quelque chose d'autre à me conseiller?' me dit cette dame en me tendant le Marc Levy qu'elle vient de terminer, 'Mon mari en a marre que je lise toujours la même chose'. J'imagine qu'elle lui fait la lecture à voix haute...

24 octobre 2006

Un bon fond

Puisqu'on parlait d'élagage. Je me suis relancé dedans de manière systématique il y a 15 jours. Ce qui ne veut pas dire que je ne fais que ça depuis 15 jours. Au contraire, je ne peux me consacrer à ce genre de joyeusetés que quelques heures par semaine à tout casser. Bref, j'ai commencé par les fictions adultes -c'est toujours là que ça bouchonne le plus- et j'ai terminé la lettre 'G' jeudi dernier. J'ai pas mal viré, mais j'ai quand même redirigés plusieurs volumes vers la réserve (que j'ai dû élaguer elle aussi). Le lendemain, vendredi, jour d'ouverture et illustration de la célèbre loi de la tartine à la confiture. Parmi les titres retirés définitivement : plusieurs Bellemare, c'est gros, ça prend beaucoup de place. Ca na pas raté, une lectrice m'a lâché : 'Mais il y en avait beaucoup plus des Bellemare avant'. Explications : 'ben oui, vous savez, j'ai dû en retirer, on ne peut pas tout garder, mais je peux vous en obtenir en prêt inter si vous voulez'. Plus tard dans la matinée, une autre m'a demandé 'Le cousin Pons' de Balzac. Que j'avais mis en réserve quelques minutes avant de rayer les Bellemare évidemment. A croire qu'elles m'espionnaient le jour précédent.

22 octobre 2006

Samedi, c'est concert

Vu et entendu hier une jeune suissesse accompagnée de ses quatre musiciens. Yoanna qu'elle s'appelle. Chante en français, des textes de sa propre plume et d'autres de ses confrères. Nous avons ainsi eu droit à 'Ou c'est que j'ai mis mon flingue?' de Renaud, à 'Vu de l'extérieur' de Gainsbourg et à un titre que j'ai soupçonné être du Piaf. On fait pire comme références. Quant à ses propres créations, elles sont assez épatantes, et pourraient bien donner quelques accès de jalousie à certains de ses confrères plus connus. Ca fait penser à du Piaf justement, pour le côté hyper-réaliste, mais l'humour qui ne quitte pas cette charmante accordéoniste l'empêchera sans doute de se vêtir entièrement de noir. C'est donc nettement plus joyeux et emballant. Elle roule les 'R', dépeint amèrement son petit pays, encourage les femmes à envoyer paître les cons, pour un peu plus loin s'avouer atteinte d'une grave maladie : l'amour inconsidéré et très limité dans le temps de tous les hommes, du moins ceux qu'elle trouve beaux. Et elle termine, presque au milieu du public, par le chant des partisans italiens, Bella Ciao, Bella Ciao...
Signature

J'en retrouve de moins en moins. Parce que tu ne viens plus me voir depuis plusieurs années. Et aussi parce que les collections vivent. Le fonds de livres grandit de jour en jour : je dois sans cesse l'élaguer. Il faut bien que les titres plus récents trouvent une place dans les rayonnages. Mais récemment, en élaguant justement, j'en ai retrouvé une. Toute pareille à celles que j'avais découvertes auparavant : une petite lettre 'V' -une de tes initiales- finement tracée au crayon en première page du livre, dans le coin supérieur gauche. Celui-là, tu l'as lu. Et tu voulais être sûr de ne pas le réemprunter.

15 octobre 2006

Bande-son

Actuellement, outre les derniers albums de Miossec, des Killers et les envolées électrico-mélodiques du 'Mr Beast' de Mogwai, il y ce cd qui tourne en mode 'repeat' dans ma voiture : 'Everything all the time' . Dû à un groupe américain improbablement nommé 'Band of Horses', cette petite merveille aurait pu être le deuxième album espéré des Grandaddy, après leur magnifique 'Sophtware Slump'... Toutes guitares et batterie sur laquelle plane une voix mi-aigue, mi-grave, le groupe de chevaux envoûte, redynamise et émeût avec la facilité et la certitude de ceux qui se savent sur la bonne voie. Loin de se moquer de nous en essayant d'imiter les Coldplay, ils voguent en parallèle, jamais loin de leurs modèles, mais suffisament éloignés pour ne pas nous lasser. La vidéo de 'The funeral' fait penser à un épisode de 'Cold Case' ou de 'FBI : portés disparus' : noir et blanc et mélodie obsédante, mais c'est en version 'live' que cette chanson-phare de l'album me touche le plus, comme si le chanteur la chantait pour la première fois, lui-même surpris et incrédule de tant de justesse.

11 octobre 2006

Intrus

Ce sont les petits plus que l'on découvre en triant les caisses de dons : cassettes vidéos, cartes routières et autres annuaires téléphoniques. J'ai même eu la surprise de trouver une montre, dans son écrin, dont la marque m'a fait penser qu'elle valait un paquet de fric. Pas de panique : je l'ai rapportée à son propriétaire. Aujourd'hui, 5 caisses à trier. Hormis un nombre impressionnant de cartes postales, pas d'intrus. Mais une dédicace interpellante, en première page de 'La paille et le grain', chronique des années 71 à 74 par François Mitterrand. Me réjouis de lire celui-là. Bref, la dédicace :

'D'une charogne à une perle rare
A toi que je ne sais pas oublier
A toi que j'aime plus que tout au monde
Pour que notre amour existe le plus longtemps possible'

Je m'interroge, la dédicace fait-elle référence à l'auteur du bouquin, ou la dédicaceuse souffrait-elle d'un sérieux problème d'estime d'elle-même?

Titeuf

Alors que paraît le nouvel album de cette collection, je repense au hors-série intitulé 'Le guide du zizi sexuel'. Comme je l'avais placé dans ma liste de commandes, le libraire m'avait prévenu : 'attention, tu risques d'avoir des retours de flamme, certains parents ne vont pas apprécier'. Et effectivement, les définitions et autres conseils -bien que très réalistes et scientifiquement corrects- y sont traités de manière franchement comique et parfois crues. J'ai failli l'acheter illico en deux exemplaires, c'est dire. Mais bon, pas suicidaire, j'appose quand même sur la couverture une belle étiquette limitant le prêt du douteux ouvrage aux plus de 10 ans. Les schtroumpfs ont très intelligemment tenté de contourner l'interdit en me présentant le dos du bouquin, de sorte que je n'avais plus qu'à scanner son code-barre, sans voir la fameuse étiquette limitative. Evidemment, quand je le retournais et leur demandais ce qu'il était écrit là, sur le livre, en noir sur fond jaune, ils avaient un peu honte de s'être fait gauler par le biblio. Ils allaient le ranger et en choisissaient un autre.
Un des derniers à avoir tenté le coup m'a quand même terrassé par sa logique toute enfantine :
Moi :'Hum, qu'est-ce qu'il est écrit là?'
Lui : 'A partir de 10 ans'
Moi, très sûr : 'Et tu as quel âge?'
Lui : 'Neuf ans'
Moi, de plus en en plus sûr : 'Et donc?'
Lui : 'Ah mais, ça ne me dérange pas!'

Si j'avais pu, je lui aurais bien offert.


05 octobre 2006

La moindre des choses

Il y a plusieurs années que tu es inscrit. Tu viens très régulièrement, nous avons sympathisé. Tu es à peine plus âgé que moi, et nous discutons de musique et de bandes dessinées. Je me rends compte que je pourrais en raconter pas mal sur ton boulot, ta famille et même sur tes parents.
Ce n'est qu'hier que j'ai appris. C'était en première page de l'édition du week-end d'un journal local. Je les reçois toujours avec deux ou trois jours de retard ces journaux-là, parce qu'ils passent d'abord par l'administration communale. L'article en pages intérieures était assez grand, avec une photo, et je ne suis pas arrivé à le lire jusqu'au bout. J'ai un peu tourné dans la salle de lecture avant de le reprendre. J'ai fini par admettre la réalité, par me dire que c'était bien vrai.
Je t'ai écrit quelques mots, certain que ça n'y changerait rien. Et je ne sais même pas si c'est pour me donner l'illusion d'avoir fait quelque chose, ou si c'est parce que je pense sincèrement que ça pourrait un rien te réconforter. Je te connais bien, je sais que lorsque tu viendras me rapporter tes bouquins, tu me remercieras pour ça. Je suppose que je te répondrai que c'était la moindre des choses.

04 octobre 2006

Le samedi

En général, dès le vendredi soir, alors que je regarde Vincent d'Onofrio résoudre une énigme bien tordue dans 'New-York Section Criminelle', j'y pense déjà : "pffff, j'ai pas envie d'y aller demain". Pourquoi le samedi plus qu'un autre jour? C'est sans doute psychologique : samedi = week-end = pas travail. En douze ans, je ne peux toujours pas me dire que c'est un jour de boulot normal. Résigné, mais quand même de moins bonne humeur que les matins précédents, je me lève, poussé par l'absurde mélange de devoir et de conscience professionnelle qui m'anime. Les vingt minutes de trajet jusqu'à la bibliothèque m'indiquent déjà que cette journée n'est décidement pas comme les autres : la route est à moi, les autres voitures sont au repos, persone n'est pressé de conduire ses enfants à l'école ou de rejoindre son lieu de travail. Tout est calme, si mon lecteur de cd diffusait 'Paris s'éveille' de Dutronc, je pourrais en vérifier les paroles de mes yeux. Et si mon portefeuille a besoin d'être réalimenté pour le week-end, je peux même trouver une place de parking pile devant le distributeur situé en plein centre-ville.
Une fois sur place, j'ai quelques minutes avant l'heure d'ouverture 'officielle', j'installe mon portable, j'allume les pc pour le public et je fais du café. Rituel.
Puis, vous commencez à arriver. Les lecteurs du samedi. Pour beaucoup d'entre vous, c'est le seul moment de la semaine où je vous vois. C'est votre jour et, bien souvent, toujours au même moment. Selon l'heure, j'en arrive à deviner lequel d'entre vous va pousser la porte. Les trois ou quatre habitués de la tranche 8h.30-9h.00 et le gros de la troupe entre 10h et midi. C'est rarement la grande foule, mais je ne reste pas souvent seul. Moins pressés que vos confrères de la semaine, vous prenez le temps d'échanger quelques mots : vos impressions sur certains livres, vos demandes d'acquisitions et parfois, des choses plus personnelles. C'est l'ambiance agréable du samedi qui se révèle, comme si votre détente s'imprégnait en moi et me faisait oublier que je travaille. Je pense aux devoirs de vacances de mon enfance et je me dis : 'allez, une fois que tu y es, ce n'est pas si dur'.

28 septembre 2006

Promesses, promesses...

Lors de la dernière réunion concernant la bibliothèque, notre estimé bourgmestre m'avait promis d'inclure, dans le programme de son parti pour les prochaines élections communales, le renforcement du service bibliothèque. Il a notamment certifié -devant témoins et après que je lui ai posé la question 'tu le feras, hein?'- qu'il incluerait l'engagement d'une personne supplémentaire. Le programme a été distribué hier dans toutes les boites aux lettres communales. Il est très beau, papier glacé et plein de photos couleurs. Et, tiens donc, il y a bel et bien un photo de la bib dans le chapitre consacré à la culture, mais pour le reste : bernique. Je parie que lorsque je lui ferai remarquer, il me répondra : 'ça ne veut pas dire qu'on ne le fera pas'.
Colloque (3 et puis j'arrête)

En matinée, un des deux animateurs de l'atelier a eu cette jolie expression : 'pour que nous ne soyons plus les Rémi Brica de la lecture publique'....

27 septembre 2006

Colloque (2)

Après un repas qui n’aurait pas fait tâche au mess de la caserne la plus proche, c’est l’estomac solidement calé que nous nous sommes rendus vers nos ateliers de l’après-midi. Cette fois, j’avais opté pour ‘l’offre et les ressources’. Soit, primo, les collections et autres services que nous mettons à disposition répondent-ils bien aux attentes de nos usagers et, secundo, les normes que nous devons respecter (pourcentages de documentaires/fictions, taux d’élagage etc…) ne sont-elles pas handicapantes et/ou dépassées ? Pas aussi charismatiques et structurés que nos animateurs du matin, nos meneurs de débat n’ont pas réussi à faire décoller le propos. Parmi nous, un monsieur, la cinquantaine barbue et blanche qui n’était plus bibliothécaire, mais l’avait été autrefois pendant deux ans, se voyait bien dans le rôle de celui qui met les pieds dans le plat. Il a commencé par enfoncer quelques portes ouvertes : ‘Les bibliothécaires, vous êtes les derniers remparts de la démocratie, vous êtes de véritables passeurs de culture…’, avant de lancer quelques idées révolutionnaires : ouverture des bibliothèques le dimanche et installation de guichets automatiques pour la rentrée et la sortie des ouvrages (ce qui permettrait, selon lui, aux bibliothécaires de se consacrer à des tâches de conseil et d’aiguillage des lecteurs). C’est tombé assez à plat et ça en a même énervé quelques-uns, surtout quand il cité comme exemple les caisses automatiques qui fleurissent dans nos grandes surfaces commerciales. S’il ne s’agissait pas d’idées stupides, elles n’étaient : un, pas neuves et deux, difficiles à mettre en place avec les moyens dont nous disposons. Car ouvrir le dimanche, avec le même personnel, ça signifie forcément perdre des heures d’ouverture par ailleurs. A quoi il répondit, décidément condescendant, : ‘mais allez trouver vos échevins, et demandez plus de moyens, dites-leur que vos lecteurs sont aussi des électeurs !’ Ben tiens, on n’y avait jamais pensé.
Colloque

Lundi spécial. Bibliothèque fermée, usagers prévenus il y a mois, je pars donc le cœur léger, avec juste un peu de remords mais pas trop, à la ‘Journée de réflexion sur les enjeux et perspectives des bibliothèques publiques’, organisée par le Service de la Lecture Publique, à l’initiative du Conseil Supérieur des Bibliothèques Publiques. Ca se passait à la Marlagne, pas loin de Namur, un domaine que je ne connaissais pas, jamais été, bâtiment énorme, style cathédrale de bois et de verre, avec une salle de réfectoire gigantesque, un véritable hall de gare perdu en pleine nature. Bien que la journée de travail devait débuter à 9h15, ce n’est que vers 10 heures que nous avons été conviés à rejoindre nos différents ateliers. Me concernant, celui du matin était consacré aux ‘non-publics’, charmante appellation pour définir cette catégorie de personnes qui ne fréquente pas nos bibliothèques. Nommer quelqu’un par ce qu’il n’est pas me semble toujours un peu limite mais il est vrai que tout ce que nous savons de ces personnes, c’est ça : ils ne sont pas usagers de nos lieux de travail. Je ne compte pas vous faire un résumé de ce que nos cerveaux de bibliothécaires ont pu mûrir sur ces deux petites heures : ça sera publié dans le prochain numéro de la revue ‘Lectures’. La conversation a évidemment beaucoup tourné autour de ce souci lancinant qui est le nôtre : comment procéder pour qu’ils (les non-publics) se métamorphosent en publics ? Pas grand-chose de neuf, mais le niveau des interventions dépassait largement les habituelles complaintes que l’on peut entendre en ce genre d’occasion : mon bourgmestre ceci, mes collègues cela, et mes lecteurs, quelle bande d’emmerdeurs. Niveau correct donc, mais je reste toujours dubitatif : s’ils ne veulent pas venir, faut-il réellement aller les chercher et donc, consacrer un temps et de l’énergie dont les usagers eux, seraient sans doute bien contents de bénéficier ?

23 septembre 2006

Le bruit au-dessus de la bib.

A l'étage, dans l'appartement géré par la commune, vit une femme seule, avec ses deux enfants. Il y a le plus jeune, qui vient souvent me voir avec sa classe de l'école communale. Et l'autre, un peu plus agé, qu'une camionnette ramène tous les jours vers 16h. Le monsieur qui accompagne le chauffeur est obligé de le porter jusqu'aux bras de sa mère, qui elle-même le hisse péniblement jusqu'à son logement. Parfois, ça commence dès qu'il est rentré : les meubles que l'on déplace, les objets frappés à terre répétitivement ou qui chutent, et puis les cris, les hurlements presque. Comme il ne sait pas marcher, j'imagine qu'il se traîne à terre, qu'il rampe en quelque sorte d'un endroit à un autre. Ca peut durer de deux à trois heures d'affilée, avec de trop rares moments d'accalmie. Je suppose que cette pièce au-dessus de la bibliothèque lui est réservée. Les lecteurs qui tombent en pleine crise me demandent régulièrement s'il y a des travaux à l'étage.

20 septembre 2006

Blog

Sur le blog de Nekita, dans la partie 'bibliothèque', des tranches de vie d'une bibliothèque citadine qui sentent le vécu. Je préfère ma place à la sienne. Je suis sans doute parfois bien trop peu nombreux pour assurer le service que je voudrais, mais au moins, je ne dois pas me farcir un supérieur hiérarchique comme le sien. Et ce n'est qu'un exemple. Son public 'jeune' n'est pas triste non plus. Néanmoins, ses posts respirent le plaisir qu'elle conserve à faire son métier. Respect donc.

14 septembre 2006

Blog

Le Suburbain Librarian nous propose, dans son billet du 9 septembre, quelques petits trucs pour survivre à la rentrée littéraire. C'est bien marrant, j'applique tout de suite.

13 septembre 2006

Appréciations

Ces derniers temps, deux commentaires, un gentil et un nettement moins. Gardons le plus mignon pour la fin. Le désagréable provient d'une dame membre de je ne sais quel groupe adepte des rallyes touristiques. C'était un samedi à l'aube et le vendredi soir avait été assez difficile. Ils étaient une petite dizaine, vers les 9 heures, jaillis de deux ou trois voitures parquées sur la place. Les premiers sont entrés et m'ont assailli de questions auxquelles je ne pouvais répondre sans faire quelques recherches préalables : 'on a des questions sur l'histoire du village, vous avez trois minutes'. Texto. Prévenus que j'étais bibliothécaire et pas concurrent de leur truc à la noix, je les guide jusqu'à la salle de lecture. Pendant que deux d'entre eux faisaient mine de s'intéresser aux bouquins que je leur avais renseignés, les autres sautillaient pratiquement entre les rayons. Le rallye, ça avait l'air sérieux. Et urgent. Bref, tellement urgent qu'ils n'ont pas pris le temps de parcourir les bouquins et sont ressortis bredouilles. Les trois minutes étaient écoulées. Sur le pas de la porte, voilà-t-y pas qu'ils croisent d'autres participants, des concurrents donc, et l'une des stressées sur le départ lâche : 'Oui, c'est la bibliothèque, mais le monsieur n'est pas très collaborant'.
Quant à l'agréable, il est sorti tout naturellement, d'une lectrice même pas mieux traitée que les autres : 'Quand je viens à la bibliothèque, c'est à chaque fois comme si je ressortais avec un cadeau'. Voilà qui équilibre la balance.


Bibliothèque : silence

La valse des tondeuses menées par mes confrères ouvriers communaux sur les espaces verts autour de la bibliothèque. Ils s'y mettent à deux pour aller plus vite : une heure de mélodie en mode moteur. C'est vrai qu'après, c'est plus joli.

La porte d'entrée qui se referme avec force : métal du pêne qui heurte le métal de la gâche. Le ferme-porte à ressort, c'est obligatoire : les pompiers l'ont dit.

La fête foraine, une fois par an, juste ici devant. Dès 16 heures, ambiance musicale assurée. Enfin, musicale, on se comprend. Une semaine. Et en plus, ça monopolise les places de parking.

Les classes des écoles communales. A chaque visite : brouhaha et cris des instit' qui tentent de se faire entendre. Parfois, hurlement du bibliothécaire dont le témoin de décibels supportables vire à l'écarlate. Mais ça fait longtemps maintenant. Je découvre les vertus du silence et de la grève. Trop de bruit : je ne fais plus rien et la file s'allonge devant le comptoir. Évidemment, les schtroumpfs s'interrogent et me regardent curieusement. Il y en toujours bien un qui finit par comprendre.

Les chaises poussées ou tirées sur le carrelage. J'en ai déjà parlé. C'est de ma faute : il me suffirait d'acheter des pastilles de mousse à coller en-dessous des pieds. Ils en vendent dans les grandes surfaces suédoises spécialisées en mobilier, je sais.

Les conversations dans le bureau d'à côté : souvent ce même type déboule, celui qui parle très fort. Il ne s'en rend sans doute pas compte, il travaille dans un usine métallurgique. Je suppose que c'est une forme d'adaptation à l'environnement de travail.

La course de côte. Les sports moteurs figurent en bonne place dans mon palmarès de la bêtise humaine. La course de côte en explose les limites. Une fois par an, c'est à celui qui monte la côte le plus rapidement. Et évidemment, ce jour-là, ils se donnent rendez-vous ici devant et gaspillent du carburant à l'arrêt, le temps que chaque concurrent fasse entendre aux autres que son moteur est bien le plus bruyant.

Les femmes qui se retrouvent par hasard devant mon comptoir. Elles ne se sont plus vues depuis longtemps et n'hésitent pas à échanger les derniers potins du village. J'en apprends de belles.

06 septembre 2006

Un blog

Les médiathécaires de la Médiathèque de Romans ont de l'humour : ça se lit sur leur blog...La partie 'jargon de bibliothécaire' notamment vaut le détour. Je suis un peu jaloux de la taille de leur équipe.


Une autre liste

Les deux premiers albums de Neil Hannon, alias Divine Comedy, font partie de mon petit panthéon personnel. Sortis respectivement en 1993 et en 1994, 'Libération' et 'Promenade', merveilles de pop romantique (j'ai cherché un autre qualificatif, n'étant pas journaliste rock, j'en suis resté à celui-là) se retrouvent régulièrement dans mon lecteur, sauf quand certains amis grincheux ouvrent une bouteille à proximité. Trop mou, trop sirupeux disent-ils la moue boudeuse. Comme je suis conciliant, on écoute le premier Nirvana et l'amitié ne faiblit pas. C'est le bouquin de Sagehomme qui m'a rappelé que sur le deuxième D.C, il y avait cette chanson, 'The Booklovers' dans laquelle Hannon égrenne mélodiquement une liste de noms d'auteurs. Pour le coup, j'ai réécouté tout l'album et c'est toujours aussi beau. Et ça donne plus envie de découvrir les auteurs qu'il cite que le répertoire moral du révérend.
R(I)P - 2ème partie

Le bouquin du R.P. Sagehomme se présente donc comme un répertoire alphabétique d'auteurs, avec en-dessous de chaque nom, une liste d'oeuvres 'cotées' selon le code suivant :
E = pour enfants
TB = pour tous
B = pour jeunes gens formés
B? = appelle des réserves plus ou moins graves
D = dangereux, à déconseiller
M = mauvais
Si la liste comporte une grande majorité de noms et de titres tombés dans l'oubli le plus complet, les 'classiques' sont bel et bien là, quoiqu'un Sade par exemple brille étonnement par son absence.
C'est un plaisir de vous livrer quelques morceaux choisis :

Les pires :
Maupassant : meilleure cote : B?...sinon, rien que des M
Hugo : meilleure cote : B, avalanche de D et de B? (Les Misérables? M!)
Simenon : meilleure cote : B?
Voltaire : 20 M et 4 B?
Flaubert : 9 M, 2 B et 1 D
Céline : M et B?
Ajoutez tous les Russes, Léon Bloy, Jean Ray, Sand, Shakespeare (que des B?), Colette et même Alphonse Allais...

Les meilleurs :
Conan Doyle, la Comtesse du Général Dourakine, Andersen, Fenimore Coopper, Daniel Defoë, les frères Grimm, Corneille, Curwood, Poe, Racine, Alphonse Daudet....

Beaucoup de sottises donc, et pas seulement attribuables au temps qui passe, à l'époque ou au contexte. Même l'aspect politique ne semble pas avoir joué, puisqu'un Céline ou un Brasillach ne trouvent pas grâce aux yeux du R.P., alors qu'un Conan Doyle obtient sa bénédiction...

05 septembre 2006

R(I)P – 1ière partie

Il fait partie de ces quelques bouquins laissés par mes prédécesseurs, les directeurs d’école et autre pharmacien qui se sont occupés de la bibliothèque avant moi, valeureux pionniers de la lecture publique, qui s’en allaient au combat sans même le soutien d’un ordinateur ou l’idée de la naissance de l’ISBN ! Il y en a d’autres, j’en parlerai plus tard, s’y replonger de temps en temps donne une bonne idée du chemin parcouru. Celui-ci, c’est le ‘Répertoire alphabétique de 10.000 auteurs avec 40.000 de leurs ouvrages (Romans et pièces) qualifiés quant à leur valeur morale’. J’en devine qui sourient. Qu’ils s’accrochent, ça ne fait que débuter. Le nom de l’auteur n’est pas mal, à croire qu’il s’agit d’un pseudo : ‘G. Sagehomme, S.J.’. Plus loin dans l’avant-propos, on peut lire qu’il s’agit d’un ‘R.P’, soit Révérend Père, en exercice au Collège Saint-Michel de Bruxelles. Publié en 1939 par Casterman, ce ‘recueil est destiné aux âmes honnêtes qui veulent le rester, aux pères et aux mères de famille, aux directeurs de conscience, qui savent quel mal une mauvaise lecture peut faire à un cœur. Ils trouveront ici une brève réponse à cette question : « Puis-je lire tel roman ? Puis-je le donner en lecture à mes enfants, à mes pénitents ? »’ Pas de jugement littéraire, donc, ni même d’appréciation sur l’intérêt des titres cités, puisque l’auteur ‘a uniquement voulu dissiper, dans une certaine mesure, ce doute parfois angoissant : "Puis-je, en conscience, lire ou faire lire ce livre ?" '.
Quarante mille titres, on ne peut s’imaginer que le brave Sagehomme les ait tous lus ? Il l’admet volontiers. Ses sources ? ‘Il a puisé ses appréciations, d’abord dans ses notes personnelles, puis surtout dans les revues et dans les catalogues des bibliothèques catholiques’. Voilà qui dissipe la volute de doute qui planait encore dans vos esprits. Ce répertoire s’adresse d’abord aux responsables de bibliothèques catholiques. Bizarre de le retrouver ici, dans une bibliothèque dépendant d’une commune belge qui vient de fêter son siècle de gestion par une majorité socialiste.

29 août 2006


La chaise

Dans l'ancienne bibliothèque -celle qui ressemblait à un bunker- il y avait une chaise, juste devant le bureau qui faisait office de comptoir de prêt. Si chacun posait les livres qu'il rentrait ou empruntait sur le bureau, la chaise quant à elle servait bien souvent de repose-sac. Mais pas toujours. Tu venais t'y installer régulièrement et nous bavardions quelques instants, jusqu'à ce qu'une autre personne se présente et que tu cèdes la place. Tu m'as bien souvent parlé de ta famille, de tes enfants et petits-enfants, mais également de ton travail et des différents postes que tu avais occupés dans les usines de la région. Nombre d'entre elles sont fermées à présent, et j'étais content d'apprendre ce qu'on avait fabriqué dans ces bâtiments aujourd'hui à l'abandon.
Je suis sûr que tu aurais apprécié ce nouveau local que la commune a restauré pour la bibliothèque. Il est situé en plein centre du village, dans une maison qui faisait la fierté des ouvriers au début du siècle passé. Il y a toujours une chaise à proximité du comptoir de prêt. Quelques-uns s'y asseyent encore parfois, le temps d'échanger quelques mots.

27 août 2006

Passage obligé

Vous êtes quatre à être inscrits à la bibliothèque : toi et tes trois enfants. Ce ne sont pas loin de 30 bouquins qui rentrent et sortent à chacun de vos passages. Extra pour les statistiques. Les premières fois, je n’ai pas fait très attention, lorsque tu sortais les livres de ton sac en toile, ce genre de grand sac, très solide et qui permet de faire une croix sur ses petits congénères jetables en plastique. Il t’est certainement utile en d’autres circonstances. Maintenant, j’y suis habitué : je dépose les livres que vous avez rentrés à part ; quand elle les trouve à cet endroit, la femme de ménage sait qu’ils doivent être nettoyés. Puis je me lave les mains et j’attends que vous ayez fait votre choix. Un petit brin de toilette, ça fait du bien, même aux bouquins.

17 août 2006

En toute discrétion

Ce matin, devant la porte, un sac en plastique bleu aux couleurs d'une chaîne de magasin de chaussures. A l'intérieur : 3 livres. Les trois tomes de la biographie de De Gaulle par Jean Lacouture. Plus de 800 pages chacun. Un coup d'oeil me suffit pour voir qu'il ne s'agit pas d'un retour anonyme de livres en retard. Ca arrive encore bien, quand un lecteur essaye d'éluder l'amende. Je me demande s'ils croient vraiment que cette méthode leur permet de rester inconnus...
Bref, les Lacouture sur le pas de la porte, ce n'est pas un retour mais un don. Anonyme.

16 août 2006

Reprise

Après 5 semaines de vacances, retour à la bib aujourd'hui. Les deux premiers lecteurs m'ont avoué que je 'leur avait manqué' (j'ouvre à 9h, ils étaient là moins de 10 minutes après...). Les autres ont été plus mesurés : 'ça c'est bien passé, vos vacances?' ou 'alors, pas trop dure la reprise?'. Néanmoins, le nombre élevé de bouquins rentrés et sortis en ce mercredi indique qu'ils n'en pensaient pas moins...
Sympathique écho à mon article du 9 août (perception 2) sur le blog de Bruits et chuchotements, ou comment Molière aurait vu la même situation. Tellement sympa que je ne résiste pas à un lâche copier-coller : "Vous bibliothécaire! C'est pure médisance, vous ne l'avez jamais été. Tout ce que vous faites, c'est d'être fort obligeant, fort officieux; et comme vous vous connaissez fort bien en livres, vous en allez choisir de tous côtés , les faites apporter en un lieu aménagé, et en prêtez à vos amis contre un salaire." C'est vrai que j'ai quelques amis qui fréquentent la bibliothèque...par contre, porter les nouveaux livres se 'fait en interne', comme on dit quand le boulot n'est pas délégué à un 'intervenant extérieur'...

14 août 2006

Eau de rose

Je n'en ai jamais lu. Mais toi, tu ne lis que ça. Condition sine qua non : l'auteur doit toujours être féminin. Je commence à avoir des problèmes à t'en trouver de nouveaux. Tu es très difficile, très sélectif, ils sont peu nombreux, ceux qui trouvent grâce à tes yeux. Quand tu as terminé Arnothy et Boissard, j'ai eu du mal à te faire transiter vers une autre femme. De Buron, Dorin, Sarraute n'ont pas été à la hauteur. Heureusement, Bourdin te plaît beaucoup. Après, je verrai.
Ton infirmité, que je n'ai pas remarquée directement, ne t'empêche pas de conduire, tu arrives toujours au volant de cette imposante voiture, que tu gares comme le peux, le parking n'est pas aisé ici. Tu bois beaucoup, je le sais à ton haleine, mais également à ta façon de parler. Cette difficulté à trouver tes mots et cet état confus, toujours à poser les mêmes questions : 'Et donc, je dois vous le ramener pour quand?' Je t'ai vu un jour, arrêté au bord de la route, buvant au goulot d'une petite bouteille ensuite soigneusement rangée dans ton coffre.
C'est vraiment étonnant pour un homme de ne lire que des romans d'amour.

09 août 2006



Blog

Sur le blog de
Locus Solus, quelques monomanies comiques, quelques jolies photos de chambres et d'autres de bibliothèques personnelles, ou comment résoudre les problèmes concomittants du manque du place et du classement.
Perception (2)

Il n'y a pas si longtemps, être bibliothécaire dans un petit village de Wallonie, ça ne payait pas, pour reprendre l'expression de Fernand Reynaud (qui se souvient encore de Fernand Reynaud?). Il s'agissait neuf fois sur dix d'un emploi complémentaire, très très mal payé (quand il ne s'agissait pas de bénévolat) et en général confié à l'instituteur ou au pharmacien. Certains en ont gardé la mémoire. Ainsi, cette gentille dame, grande lectrice, mais qui a quand même failli me vexer l'autre jour. Nous parlions d'emploi en général et des difficultés de trouver du boulot, lorsqu'en guise de conclusion elle me demanda : 'Et vous, c'est quoi votre vrai métier?'.

08 août 2006

Moyens

Deux millions de plus en 2008, deux et demi de plus en 2009. Voilà ce que je lis aujourd'hui dans le 'Soir'. En plus pour qui? Pour le secteur de la lecture publique en communauté française de Belgique. Donc pour nous. Evidemment, on ne va pas cracher dessus. Des questions néanmoins. Pourquoi seulement en 2008? Pourquoi devoir attendre encore un an et demi? A Francorchamps, même si ça traîne, le fric wallon arrive beaucoup plus rapidement. Et 2008, c'est drôlement proche de 2009, années d'élections régionales, et communautaires donc. Continuons dans le mauvais esprit : d'après le journaliste, ces millions seront prioritairement affectés, dans l'ordre à : 1/ les animations; 2/ les plans de lecture et 3/ aux synergies entre bibliothèques. Et l'emploi???? Et les subsides de fonctionnement????
Voilà bien des trucs qui me font râler, tout en vacances que je sois. Si je m'en tiens aux normes de la Communauté française, je devrais avoir trois collègues à temps plein. Pas de sous évidemment, tire ton plan tout seul. Les animations, c'est bien joli, mais la mission première d'une bib, c'est quand même de PRETER DES LIVRES. Attirer un public neuf via les animations, ok, si après on peut assurer le service que ce nouveau public attend. Là encore, on peut rêver.
Les plans de lecture? Un dossier dans lequel la bib, en accord avec son P.O., expose ses projets (nouveaux services, nouveaux publics etc...). Si on n'a pas de moyens pour financer ces objectifs, le plan de lecture aura coûté beaucoup de temps et finira dans un tiroir.
Les synergies entre bibliothèques? Egoïstement, je n'en fais pas une priorité : le prêt inter-bibliothèques fonctionne très bien et je n'ai pas besoin de plus. A moins bien sûr que l'accent soit mis sur la polyvalence du personnel. Par exemple, que l'on mette au point un système me permettant de faire appel à un confrère de la bibliothèque principale dont je dépend et qu'il vienne me remplacer au pied levé quand je suis malade. Pour que mes lecteurs ne trouvent pas une porte close, râlent et décident de ne plus renouveler leur cotisation, les horaires n'étant pas toujours respectés.

07 août 2006


Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Curieux titre à ralonge pour un roman suédois récemment publié chez Actes Sud. On sait peu de choses de son auteur,
Stieg Larsson, disparu en 2004; les maigres infos trouvées à son sujet me rappelent son personnage principal : Michael Blomkvist. C'est après avoir lu un article dans le Soir que l'envie de lire ce bouquin m'est venue. Déjà amateur de polars et fan de la première heure d'Henning Mankell, ce genre de brique devait sans doute me plaire. Et bien m'en prit, sa lecture s'étant révelée des plus passionnante. Journaliste au magazine 'Millénium', magazine 'généralement perçu comme s'attaquant aux dérives de la société', Michael Blomkvist est surtout 'spécialisé dans les reportages révélateurs sur la corruption et sur des affaires louches dans le monde des entreprises'. Un genre de Denis Robert, dont j'ai déjà parlé me direz-vous? Un peu de ça oui. C'est justement parce qu'il s'est frotté d'un peu trop près au grand patron d'une importante multinationale que Blomkvist, reconnu coupable de diffamation, se voit obligé de prendre un peu de recul. A peine a-t-il le temps de se faire à l'idée de ne plus être journaliste qu'il est contacté par un riche industriel à la retraite, Henrik Vanger. Retiré sur sa minuscule île, Vanger vit depuis quarante ans dans l'espoir de comprendre ce qui est arrivé à sa nièce Harriet, disparue en 1966 sur cette même île. La mission qu'il compte confier à Mikael est des plus simple : compiler toute la documentation concernant la disparition et chercher ce qui a bien pu échapper à toutes les personnes qui ont déjà enquêté sur l'affaire. Au départ seul à mener les recherches, Blomkvist sera rejoint par Lisbeth Salander, une jeune femme perturbée et sombre, mais capable de dénicher une info là ou personne ne songerait à fouiner. Un croisement entre le personnage d'Abby (jouée par l'actrice Pauley Perette) dans la série NCIS et le personnage de Nikita interprété par Parillaud. Débutant comme une intrigue politico-financière, obliquant vers la résolution d'un 'crime en chambre close' (lors de la disparition d'Harriet, l'île était coupée du reste du monde), le bouquin nous plonge ensuite en pleine enquête sur des crimes en série avant un retour final dans le monde de la finance. Passionnant du début à la fin, il dresse également le portrait tout en contrastes d'une puissante famille dans la Suède du XXème siècle. Cartes et arbres généalogiques sont intégrés dans le texte, pas question de se perdre donc. Ce premier volume d'une trilogie intitulée 'Millénium' sera suivi en novembre de cette année par 'La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette'. Un titre prometteur, vous en conviendrez.

26 juillet 2006

Lectures

Je me suis quand même décidé à lire 'L'attentat' de
Yasmina Khadra, poussé par des critiques positives relevées tant dans la presse que parmi mes lecteurs. C'est d'actualité : un arabe intégré (en Israël, à Tel-Aviv précisément) découvre que sa femme est la dernière kamikaze à s'être fait sauter dans la ville, occasionant ainsi la mort d'une dizaine d'enfants. Il se croyait heureux en ménage, il était éperdument amoureux d'elle et, à ce titre, pensait qu'elle nageait dans le bonheur. Il découvre que depuis plusieurs années, elle n'en pouvait plus des souffrances infligées au peuple palestinien, au point d'en arriver à cette extrémité, sans même qu'il s'en rende compte. Le choc est rude et remet toute sa vie en question. Si les pages consacrées à l'explication du comment et du pourquoi on devient kamikaze sont édifiantes et éclairent d'un jour nouveau notre vision toute occidentale du phénomène, et que celles où le personnage principal parle de son amour s'avèrent souvent très touchantes, l'ensemble m'a quand même paru trop long, tournant en rond et un rien excessif. Plus drôle, 'Funérarium' de Brigitte Aubert, un thriller mettant en scène Chib Moreno, un thanatopracteur noir et résidant à Cannes. Habituellement, il se chargeait d'empailler les animaux de compagnie et quelquefois l'un ou l'autre grand-père, mais aujourd'hui, c'est une gamine d'une dizaine d'années dont il doit se charger. En enquêtant sur la mort mystérieuse de sa 'cliente', il va mettre les pieds dans un famille de dingue et risquer sa peau. Déjantée à souhait, souvent drôle et parfois limite malsaine, l'intrigue se tient et ne souffre aucun temps mort, un peu comme si Agatha Christie avait snifé de la coke et écoutait Linkin Park en tapotant sur son clavier d'ordinateur. En polar toujours, 'Deuil interdit' de Connelly, un très bon épisode des enquêtes de Harry Bosch. Alors qu'on le croyait définitivement H.S. du LAPD, le voilà réintégré dans le corps de police de Los Angeles. Affecté au service des affaires non-résolues, Bosch doit prendre en compte de nouveaux éléments dans une enquête datant de plus de 10 ans : l'enlèvement et l'assassinat d'une adolescente de 16 ans. Plus en confiance, plus apaisé que dans ses précédentes enquêtes, Bosch fait ici penser aux personnages de la série télé 'Cold Case', eux aussi attachés aux affaires jamais refermées. Comme eux, ce qu'il désire, c'est refermer les plaies, permettre aux proches des victimes de comprendre et d'enfin faire leur deuil. J'ai presque terminé ''Les hommes qui n'aimaient pas les femmes', premier tome d'une trilogie due à Stieg Larsson, un auteur suédois inconnu jusqu'à ce que ce que Actes Sud se décide à nous le traduire cette année. Un bouquin extraordinaire, trop pour n'en parler qu'en quelques lignes : je remets donc ça à la semaine prochaine, une fois rentré de ma deuxième période de vacances....

25 juillet 2006


Bande-son

Pratiquement deux ans après sa sortie, l'album 'Funeral' des canadiens d'Arcade Fire reste toujours aussi présent. Le réécouter est à chaque fois synonyme de découverte, d'émotions et d'étonnement. Il m'a fallu longtemps avant d'être convaincu pourtant : au début, je le trouvais tout simplement inaudible, bourrés de sons, d'instruments et de voix dont je n'arrivais pas à percer la mélodie d'ensemble. Trois ou quatre écoutes plus tard, l'évidence : il y avait longtemps que je n'avais pas eu l'occasion de découvrir quelque chose d'aussi fort, peut-être depuis 'The Bends' de Radiohead. 'Funeral', titre on ne peut plus approprié pour un album centré sur la perte d'êtres chers, nous plonge, via les racines profondément enterrées du rock et du folk, dans les pensées confuses de quelques jeunes qui voient, avec leurs parents qui les quittent, leur jeunesse qui s'éloigne et l'âge adulte qui les gagne. C'est parfois clairement explicite, toujours poétique et profondément touchant. Ainsi, comparant la vie à la conduite d'une voiture : 'I like the peace in the backseat, I don't have to drive'....puis 'Alice died in the night, I've been learning to drive my whole life....'
Si j'en parle aujourd'hui, c'est parce que, les doigts de pieds en éventail dans le sable breton, j'écoutais 'Nice and nicely done' du 'Spinto Band' et -la faute aux effets conjugués du soleil, de la mer et du jus de raisin de midi?- j'ai pensé que ceux-là pouvaient réellement se présenter comme des descendants des Arcade Fire, comme si 'Funeral' était la bande-son de l'hiver, et 'Nice and nicely...' celle de l'été. Comme 'Arcade', 'Spinto' fait penser, en vrac, aux Waterboys deuxième période, à Smog, à Devendra Branhart, Nick Cave et au Springsteen du 'We Shall Overcome'... Si 'Funeral' est résolument sombre, 'Nice and nicely..' est joyeusement bordélique et léger, même si l'on peut percevoir dans la voix des chanteurs les mêmes fragilités et imperfections....

14 juillet 2006


Là-bas

Pendant une bonne semaine...Et je n'emporte pas mon pc dans mes valises...

13 juillet 2006

Horaires (2)

- Bonjour, je vous ramène mes livres, ils sont en retard je sais, mais j'ai voulu venir lundi et vous n'étiez pas là.
- La bibliothèque n'est jamais ouverte le lundi monsieur...
- Quoi? mais enfin, j'ai déjà vu votre voiture le lundi matin en conduisant les enfants à l'école, j'en suis sûr...
- Oui, il m'arrive de venir travailler le lundi matin, mais ce n'est pas pour ça que la bibliothèque est ouverte. Vous savez, si je ne travaillais que les....

11 juillet 2006

Perception

Je suis connu dans le village. Un peu comme le bourgmestre, le curé ou le médecin. Pour les plus jeunes, je pourrais aussi bien être boulanger ou électricien, c’est égal. Les plus âgés ont cet espèce de respect que j’ai eu du mal à comprendre au début : je sortais d’une grosse boîte privée dans laquelle je ne n’étais que le documentaliste (à côté des juristes ou des économistes, on ne pesait pas lourd).
Pour certains d’entre eux, je reste Monsieur le Bibliothécaire, ce même genre de Monsieur qu’eux et leurs parents donnaient à l’instituteur dans leur jeunesse. Ils m’abordent parfois en rue, persuadés que j’ai toutes les fiches-lecteurs en tête : ‘Monsieur, j’ai un livre en retard, mais je n’ai pas su venir, ma petite-fille était malade, j’ai dû la garder, ses parents travaillent vous comprenez… ‘. Il n’y a pas si longtemps, au marché, une petite dame, la septantaine un peu bossue, s’est même excusée de ne pas être venue me rendre ses livres parce que son mari était mort et qu’elle venait à peine de l’enterrer…


Horaires (1)

- Monsieur, vous êtes là? C'est ouvert maintenant le jeudi?
- Non madame, ce n'est pas ouvert, mais je suis là quand même...
- ...
- Si je ne travaillais que les jours d'ouverture, on tournerait toujours avec les mêmes livres vous savez...les nouveaux livres, faut bien les cataloguer...et je ne vous parle même pas des factures, des statistiques ou des lettres de rappel...
- Aaah....moi je croyais que bibliothécaire, c'était seulement prêter et ranger des livres....pardon...

09 juillet 2006

Bigard

Lu dans le Télémoustique cette semaine : pour la prestigieuse 'je-vends-du-temps-de-cerveau-disponible-pour-la-pub' TF1, Jean-Marie va tourner le pilote d'une série dans lequel il incarnera un directeur de bibliothèque municipale (communale pour nous les belges). Apparemment, sa profession initiale passera au second plan, puisque c'est dans le cadre d'une école de devoirs qu'il sera amené à rencontrer et à aider des enfants en difficulté.
Evidemment, la question ne s'était encore jamais posée : après Gérard Klein en instituteur et Victor Lanoux en brocanteur, quel acteur pour incarner notre belle profession? Bigard nous répond TF1. Bah, ça aurait pu être pire j'imagine...

07 juillet 2006

Nomade

Ce mois de juillet qui débute me rappelle celui de l'année passée durant lequel, en plus de mon déménagement personnel, je devais assurer celui d'une bibliothèque. Plus qu'un déménagement, il s'agissait de rassembler les collections de deux sites de prêts en un seul. Avant cette date, il y avait effectivement trois bibliothèques : deux 'dépôts' et une 'pivot' comme ils disent dans les décrets. J'ai donc passé pas mal de temps sur la route, entre ces différents sites. Pas mal de temps : 11 ans en fait. Onze ans avant d'avoir réussi à faire admettre aux politiques qu'il valait mieux concentrer ses efforts sur deux lieux plutôt que de les disperser sur trois, surtout si on ne veut pas engager plus d'une personne pour s'occuper de tout ça. De trois bibliothèques, je suis donc passé à deux. Vous n'imaginez pas quel soulagement. Et puis quelle fierté aussi : arriver à faire fermer une bibliothèque, n'est-ce pas l'objectif de tout bibliothécaire qui se respecte?

05 juillet 2006


Ca se vide

Plus que trois jours d'ouverture au public avant une fermeture d'un bon mois. Je sais, ça ne fait pas très 'service public', mais à personnel limité, accès limité. Dans leur grande majorité, les lecteurs prennent ça bien : ils ont été prévenus il y a plus d'un mois et s'organisent donc en conséquence. N'empêche, les derniers jours sont à chaque fois l'occasion d'un ruée, sur les nouveautés principalement. Aussi, je m'organise en conséquence : acquisitions plus importantes (beaucoup de romans évidemment) et demandes de collections d'appoint aux bibliothèques principales et centrales. De quoi satisfaire l'appétit des plus acharnés, qui ont exceptionnellement ma bénédiction pour dépasser le nombre limite de prêts : c'est par sacs remplis que les bouquins s'en vont ces jours-ci. Parmi eux, certains vont voyager plus loin que moi, au gré des destinations de vacances des emprunteurs. Et, je le sais déjà, fin août-début septembre, j'aurai du mal à en récupérer quelques-uns, les 'tombé dans la piscine' ou 'oublié chez belle-maman en Provence' ou encore 'perdu dans le TGV'.

02 juillet 2006


Une question d'équilibre

Comme pour le dosage des couleurs quand on pose du carrelage. Ce boulot c'est ça. Vous savez, ces foutues normes à suivre dans les acquisitions. Pas question d'acheter n'importe quoi sur une année : faut suivre les normes. Tel pourcentage de documentaires adultes, tel pourcentage de fictions jeunesse etc etc... Faut équilibrer, veiller à ne pas acheter trop de romans, s'assurer que tous les 'domaines du savoir' soient équitablement représentés dans les collections. Pour que chacun y trouve son compte : les amateurs de pêche à la ligne comme les fanatiques de Mary Higgins Clark. Finalement, bibliothécaire, ça donne des prédispositions pour carreler en amateur...

01 juillet 2006

Le prix de la culture

"Bonjour, je ramène les livres de mes enfants...Et aussi...euh, vous auriez quelque chose sur la Bretagne?" C'est une des destinations favorites de nos compatriotes, je viens de le lire, sais plus où....réponse positive de ma part donc. "Seulement, je ne suis pas inscrite, moi..."
"Je ne peux pas vous laisser emprunter un livre adulte sur une fiche enfant madame, l'abonnement et le prêt sont gratuits pour les enfants, mais pas pour les adultes. Ceci dit, l'inscription ne vous coûtera que 6 euros, et le prêt est gratuit"
"Ah bon...ben je reviendrai plus tard alors"
Pub et romans

Un article un poil excessivement dénonciateur dans 'Charlie Hebdo' cette semaine. Stephane Bou nous y conte les démêlés de deux auteurs américains pour ados -strictement inconnus chez nous- qui, dans leur dernier roman, laissent une de leur héroïnes se maquiller avec un rouge à lèvre d'une marque bien précise. Même pas rétribués, les deux auteurs se font incendier par l'un ou l'autre journaliste avide de scandale, qui conjurent les critiques littéraires d'ignorer cette sous-production romesque.
Typiquement ricain, non? On gave les ados de séries et autres télé-réalités, spécialement écrites pour êtres saucissonnées par une avalanche de pubs bien ciblées, on les endort et on s'assure qu'ils consomment ce qu'on veut qu'ils consomment...mais quand l'un ou l'autre rescapé lit un LIVRE, faut absolument le préserver de la pub! Même si le procédé est effectivement criticable, il n'est pas neuf : nombre d'auteurs pour adultes citent des marques de voitures, de fringues ou de clopes sans que cela fasse bondir les grands reporters. Ces cris de vierges effarouchées me semblent donc un rien excessifs. La pub, sous toutes ses formes, est partout. D'ou vient ce souci soudain d'en préserver les lecteurs? Serions-nous plus influençables que la masse des spectateurs télés? Ou bien notre nombre se réduit-il à ce point que nous voilà passés sous statut d'espèce protégée?

30 juin 2006


Le déjeuner

Me rendant ses livres : "j'en ai gardé un, tu me le prolongeras dis?"(elle m'a toujours tutoyé : je pourrais être son petit-fils).
"Et bien, je ne l'aimais pas, je l'ai laissé là et puis, ce matin, je n'arrivais pas à dormir, je l'ai repris et ça allait". "Il a profité de la nuit pour s'améliorer", je réponds stupidement. "Enfin, heureusement que ça a fini par me plaire, parce que je pensais à de ces trucs, je n'aurais jamais réussi à me rendormir. Tu sais ce que c'est hein, quand on est couché dans son lit, les problèmes, ça prend de ces proportions : on croit qu'on ne va jamais en sortir. Puis, le matin, on se lève, on prend son déjeuner avec son mari, et là...ça devient facile comme tout..."

28 juin 2006

Prêcheurs



Socialistes revendiqués, les gallois 'Manic Street Preachers' (www.manics.co.uk) avaient sorti en 1996 'Everything must go', un album que je réécoutais au volant ce matin. Une des meilleures chansons de celui-ci, 'A design for life', commençait par :

Libraries gave us power

Then work came and made us free

What price now for a shallow piece of dignity

Traduction non-officielle pour les rebutés par l'anglais : "Les bibliothèques nous ont donné le pouvoir; Puis le travail nous a libérés; A présent, combien coûte un rien de dignité?". J'en connais une qui va me reprendre de volée si la traduction n'est pas correcte. Le site http://www.manics.nl m'apprend que cette première phrase est inspirée par une autre, due à Francis Bacon et gravée au fronton d'une bibliothèque galloise : "Knowledge is power"(pour les rebutés.. : 'La connaissance, c'est le pouvoir'). La bibliothèque, toujours en activité, compterait parmi son personnel le frère de Nicky Wire, bassiste du groupe. On ne parle bien que de ce que l'on connaît.
Bref, une chose en amenant une autre, la première loi belge qui organisait les bibliothèques publiques -dite 'loi de 1921'- nous la devons à Jules Destrée. Egalement père de l'enseignement obligatoire jusqu'à 14 ans, Destrée était socialiste.

La meilleure illustration pour cet article se trouve sur le site du 'cartoonist' Mark Stivers : http: //www.markstivers.com, à la date du 12/12/2002...il y a un copyright dessus...respect donc.


27 juin 2006


Art postal

Ou mail art. J'ai bien dû avouer mon inculture lorsque tu m'as demandé si j'avais quelque chose en ce domaine. J'apprends pas mal à votre contact. Maintenant je sais plus ou moins de quoi il s'agit. J'ai eu du mal à trouver un bouquin : un numéro de la revue 'Neuf de coeur', publiée au Seuil, entièrement consacré à ça : enluminures des enveloppes et des lettres, poésies et proses illustrés dans le texte, timbres personnels, cachets faits maison etc etc... Je sais que tu n'as pas de connexion au net, mais le site qui m'a le mieux renseigné, c'est : http://perso.orange.fr/reine.shad/mailart2.htm. Quant à celui-ci: http://bonobo.net/rubrique.php3?id_rubrique=58, je ne suis pas sûr d'avoir osé te le proposer...

26 juin 2006


Voyage en Afghanistan

Je viens de terminer (faut que je fasse gaffe, il me semble que chaque fois que je parle d'un livre, je commence par cette phrase) le tome 2 du "Photographe", une bd à 6 mains publiée chez Dupuis. Vaut mieux que j'en dise quelques mots maintenant, tant que les traces sont fraîches. Didier Lefèvre (http://didier.lefevre.free.fr), photographe, s'engage à suivre une mission de MSF en Afghanistan. Nous sommes en 1986, en pleine guerre entre Moudjahidin et Russes, et pour rallier leur futur 'hôpital', les toubibs se joignent à une caravane de rebelles chargés d'armes. Partis du Pakistan, ils marcheront un mois dans les montagnes et croiseront des représentants de toutes les ethnies du pays, amicales ou pas. Bien qu'ils ne rencontreront pas de réelle difficulté, le voyage est long et harassant au-delà de toute imagination. Dès leur arrivée, les blessés et les malades affluent. Le manque de moyens, la gravité de certains cas et le manque de repos ne sont compensés que par l'esprit d'équipe, la générosité des habitants et le sentiment de vivre l'exceptionnel. Alternant cases de bande dessinée 'classiques' et photos prises sur place, les deux tomes de cette 'bd du réel' font mieux qu'un reportage d' "Envoyé spécial", qu'une pub pour MSF et qu'un "Guide du routard" réunis. Tout y est : histoire et géographie du pays, vie et moeurs des habitants, le tout raconté avec les mots simples des personnages, européens ou du cru.
Car plus que tout cela, ce qui importe ici, ce sont les rapports entre les personnages, la confrontation de leur vécu et comment malgré tout, malgré les conditions matérielles difficiles, malgré la guerre, ce qu'ils en retirent tient plus de l'enrichissement que du désespoir. Ce n'est jamais pompeux ni ennuyeux, ça vous transporte en quelques minutes à l'autre bout du monde et vous renvoie en pleine figure la futilité de vos principaux soucis...J'attends le tome 3 avec impatience et en attendant, qui sait, je vais peut-être lire 'Massoud l'Afghan' de Christophe de Ponfilly.