30 octobre 2007

Comment distinguer un lecteur d'un usager


Les formations sont toujours propices à se raconter la 'dernière bien bonne' entre confrères. Généralement, ces jolies histoires concernent nos chers amis les lecteurs. Mais pas toujours.

Racontar 1 donc. La scène se passe dans une bibliothèque rurale, assez importante, située au 2ème étage d'un bâtiment que je daterais à vue de nez du 19e, richement rénové et que, pour plus de facilités, tout le monde nomme 'le château'. Un homme rentre, plutôt le genre clochardesque, vêtu de pas frais et traînant un cabas. Comme aimanté par les rayons de la section adultes, il disparaît de la vue de mes confrères. Quelques instants plus tard, un lecteur s'approche du comptoir de prêt et, sur le ton de la conspiration, confie aux bibliothécaires :"dites, le type qui vient de rentrer il y a deux minutes...il vient de pisser contrer une armoire...là, il s'est assis dans un coin et il commence à boire". Les bibliothécaires tout-terrain qui me lisent devineront aisément la suite de l'histoire. Il fallait non seulement virer poliment l'urineur indélicat, mais également rendre aux lieux leur propreté initiale.

Obligations

A la bib : la fin d'année reste synonyme d'échéances à satisfaire. Et cette année me semble pire que les autres. En cause, une formation assez longue à laquelle je fus 'cordialement obligé' de participer. Six jours pleins durant lesquels pas de catalo, pas de suivi des périodiques ni des commandes et autres factures et autant de retard à rattraper au retour.
A la maison : chaque week-end mis à profit pour poursuivre l'aménagement du grenier. Et aussi la routine, les courses, le ménage, le taxi à faire pour les enfants.

Alors que tout ce que je voudrais, ce serait m'assoir (ou me coucher dans un parc, mais dans un pays chaud alors...) et lire.

09 octobre 2007

Maman

D'habitude, tu rentres dans la bibliothèque, tu déposes les livres de ta fille et, si elle m'en a réservé d'autres, tu attends que je les ai enregistrés sur sa fiche avant de t'en aller. Aujourd'hui, tu avais envie de parler. Depuis 15 jours, ta fille ne rentre plus tous les soirs. Elle est à l'université, à Liège, et bien que ce ne soit finalement qu'à une quarantaine de kilomètres, la durée du trajet en transports en commun était décidément trop pénible. Cinq jours sur sept, elle loge là-bas. L'impression, entre ton mari toujours sorti et ta fille qui s'éloigne, d'un grand vide soudain. Le village : un trou perdu dans la compagne. Pas de voiture. Pas de travail hormis la maison à tenir. Et pour qui désormais? Il n'y a pas si longtemps, tu l'attendais. A heure fixe, elle rentrait de l'école en bus. A heure fixe, tu lui préparais son repas. Et le reste devait être à l'avenant. A quoi bon à présent? Tu n'as laissé planer aucun doute, ça ne tenait pas du regard ou du geste : tu l'as dit clairement : "c'est dur".
Je t'ai rappelé à quel point la vie d'étudiant pouvait être gaie. La liberté, les amis, la guindaille. Et les bons souvenirs que j'avais gardés de cette époque dans la Cité Ardente. Cela t'a un brin remonté le moral. Mais j'avais un avantage sur toi : nous, les parents divorcés, nous sommes très tôt confrontés à ne plus retrouver nos enfants chaque soir de la semaine.

08 octobre 2007

Deux

Voilà, ça y est, les candidatures ont été reçues et évaluées. Les postulants ont été entendus. Le jury a fait son choix. Choix qui me semble être le bon. Après douze ans en solitaire, dont plus de la moitié à réclamer inlassablement du renfort, j'ai du mal à me faire à l'idée que l'objectif est atteint. Si vous travaillez dans l'administration, il vaut mieux être patient. Et quand les choses que vous souhaitez finissent par arriver, vous les aviez depuis tellement longtemps en tête que vous en êtes déjà à réfléchir à l'étape suivante. Un mi-temps? Très bien. Et comment vais-je leur faire comprendre que ce ne sera pas suffisant?
Au-delà de ça, l'irruption de quelqu'un d'aussi qualifié que moi risque de tournebouller ma vie de bibliothécaire peu habitué au travail en équipe. Sans doute ais-je, consciemment ou non, développé des méthodes et des habitudes sur lesquelles ma nouvelle collègue ne manquera pas de jeter un oeil cru. Et qu'elle proposera de modifier. Sans doute aussi prendra-t-elle sa part de responsabilités dans cette gestion quotidienne qui m'alourdissait de plus en plus. C'est donc bien de délégation et de partage qu'il s'agira. Et de considérer que cette bibliothèque n'est, dès à présent, plus "ma" bibliothèque.