26 février 2007

Indiscretion

"Les lettres semblaient rangées par date et, après avoir hésité, Erlendur en lut une. Il avait le sentiment de s'introduire par effraction dans un sanctuaire et en tirait une forme de honte. Comme s'il s'était posté à une fenêtre d'où il aurait épié les gens".
(Arnaldur Indridason, 'La femme en vert', Métaillé, 2006)
Idem pour moi, simple bibliothécaire et même pas inspecteur de police islandais, comme Erlendur. Idem lorsque je lis presque involontairement ces quelques lignes, griffonnées sur un signet oublié dans un livre. Ce ne sont souvent que quelques mots sans importance, mais pas toujours. Idem aussi quand il s'agit de trier ces caisses de dons que ton fils m'a apportées. Titre après titre, ces livres qui autrefois t'appartenaient, m'en disent plus sur toi que je n'en ai appris lors de notre unique rencontre. Tu n'avais sans doute jamais pensé qu'un jour je me retrouverais à les classer en deux piles n'est-ce pas? D'un côté les 'à garder' et de l'autre, ceux 'à évacuer'. Et moi, à chaque caisse que j'ouvre, je me sens comme Erlendur, un intrus dans ton univers.

24 février 2007

L'école de la réussite

Alors, celui-là, il habite juste à côté de la bib. Neuf ans à peine, c'est le plus jeune d'une lignée de 3 garçons, tous passés devant moi alors qu'ils fréquentaient l'école primaire. Pas très grand et plutôt rondouillard, le sourire désarmant qu'il affiche en permanence indique une bonne humeur constante et assez communicative. On dirait Gérard Jugnot enfant.
Pour lui, l'école du village, c'est terminé. Aujourd'hui, alors que c'est le congé de Carnaval, il vient me voir, les mains dans les poches et son bouquin -emprunté lors d'une visite de classe- sous le bras.
- 'Monsieur, je peux vous rendre le livre de l'école?'
- 'Euh, oui, bien sûr'
- 'C'est parce que maman veut que je change d'école, dans un autre village'
- 'Vous déménagez?'
- 'Non non, je vais seulement changer d'école. Je suis un peu en retard, je vais aller à X, là-bas, ils expliquent moins vite'.

13 février 2007

Trois polars de 2006

Tous trois chez Rivages. D’abord, ‘Little Girl Blue’ de David Cray. Au départ d’une enquête sur la mort d’une gamine retrouvée nue dans Central Park, l’inspectrice Julia Brennan va mettre au jour un réseau de pédophilie. Elle se rendra vite compte qu’elle n’est pas la seule à mener la chasse aux pédophiles new-yorkais : à chaque fois qu’elle croit en tenir un, elle ne tombe que sur son cadavre. Serait-ce Peter Foley, l’ancien flic spécialisé dans la prostitution enfantine et dont elle s’est adjoint les services, qui la précéderait, motivé par une haine toute personnelle ? Polar féministe –Brennan affronte le machisme ambiant propre à un corps de police et se trouve constamment mise sous pression par sa hiérarchie- ‘Little Girl Blue’ arrive à dépasser son sujet à priori glauque à souhait, pour le traiter avec humanité, sans effet de voyeurisme et en résistant à la tentation d’une auto-justice expéditive. Un excellent roman noir, ménageant suspense et psychologie des personnages. Dans un autre registre, ‘Le rêve des chevaux brisés’ de William Bayer met en scène David Weiss, dessinateur spécialisé dans les portraits-robots et les croquis pris sur le vif au cours de procès. C’est dans ce cadre que la chaîne de télé qui l’emploie l’envoie à Calista, la ville de son enfance. Couvrir un procès dans la ville où, 26 ans plus tôt, son propre père s’était suicidé constitue pour David l’occasion qu’il attendait depuis longtemps. Quelques jours avant ce suicide, un couple d’amants avait été tué dans une chambre de motel. La femme, Barbara Fulraine, était une personnalité bien connue de la bourgeoisie locale. Elle était également une patiente du père de David, psy de son état. Ce qui hante David, ce qui le pousse à tenter d’apporter un nouvel éclairage à cette affaire, c’est la relation qui existait entre son père psychologue, et Barbara Fulraine, qui venait régulièrement le consulter. Extraordinairement dense et complexe, ‘Le rêve des chevaux brisés’ baigne dans la psychanalyse. Ce fameux rêve des chevaux brisés, c’est celui qui venait régulièrement hanter Barbara Fulraine et qui la poussa à consulter –après bien d’autres- le père de David. Véritable nymphomane, Barbara n’avait de cesse de provoquer son psy, qui résistait tant bien que mal. Découvrant les carnets secrets de l’un puis de l’autre, David espérera y trouver la clé de l’affaire. Mais à Calista, même après 26 ans, plusieurs personnes ont encore intérêt à ce que la vérité reste dans l’ombre. Flirtant avec le portrait de société, ‘Le rêve…’ s’appuie sur de nombreux personnages, se mouvant dans cadre unique et entretenant des relations d’amour, de sexe et de haines petites-bourgeoises. Bayer brille par sa lucidité et son discernement : chez lui personne n’est tout gris ou tout noir, tous surnagent en demi-teintes, poussés par les circonstances, l’intérêt personnel ou les regrets. Un grand roman noir, sans temps morts et dont les traces restent longtemps vives à l’esprit.

Pour terminer, un anglais, parce qu’il faut bien l’admettre : aahhhh, le roman noir anglais !
Deuxième épisode (sur les trois prévus) du cycle consacré à Frank Elder, ‘De cendre et d’os’ de John Harvey, reste bien dans la veine du précédent (‘De chair et de sang’, 2005) : réaliste et tortueux, mais surtout d’une extrême fluidité, principalement à mettre au compte d’une abondance de dialogues. Dialogues qui n’ont pas -comme trop souvent dans les gros pavés américains- ce côté superficiel et facile dû à une maîtrise imparfaite du style indirect. Ici, pas un seul mot de trop, pas une seule faute dans le ton adopté : chaque mot, chaque ligne ont leur utilité stricte. A son habitude, et cela s’est vu dans ses précédentes œuvres consacrées à l’inspecteur Resnick (que Elder croise d’ailleurs régulièrement), Harvey ne néglige ni la psychologie de ses personnages (très nombreux et pourtant tous rapidement identifiables) ni leur cadre social (les années Thatcher n’ont pas encore été digérées). Bien que retraité, Elder se voit régulièrement appelé à la rescousse par son ancien collègue des affaires non-résolues. C’est l’assassinat d’une flic qui va cette fois sortir Frank de sa petite maison sur la côte. Maddy Birch et lui ne se connaissaient pas particulièrement bien. Mais ils avaient failli. Failli avoir une liaison et donc, sa mort violente ne peut que toucher Elder au plus profond. Lorsqu’on lui signale que l’enquête piétine, Elder n’hésite pas longtemps à prendre son billet pour Londres. Là, il sera non seulement confronté à ce crime sordide et aux ramifications insoupçonnées, mais il devra également se résigner à affronter sa fille Catherine. Cette dernière, impliquée malgré elle dans la dernière enquête de Frank, refuse depuis lors tout contact avec lui. Parfaitement construits et passionnants de bout en bout, les romans de John Harvey ne déçoivent jamais, ils peuvent parfois laisser un goût amer. Celui de l’injustice face à laquelle la meilleure volonté ne peut rien.

"Little girl blue" de David Cray, Rivages/Noir, 2006
"Le rêve des chevaux brisés" de William Bayer, Rivages/Noir, 2006.
"De cendre et d’os de John Harvey", Rivages/Thriller, 2006

Sur David Cray : une interview
Sur William Bayer : son site
Sur John Harvey : un dossier, une interview et son site officiel

10 février 2007

Dédicace

Reçu hier 'La perle' de Steinbeck, édition de 1950 chez Gallimard, à la couverture inhabituellement illustrée pour un bouquin de la nrf. Sans doute s'agit-il d'une réédition 'spéciale' à l'occasion de l'adaptation cinématographique du livre : la photographie de la couverture en question est tirée du film. Sa précédente propriétaire se l'était visiblement vu offrir, c'est du moins ce que m'indique la dédicace lue en première page : 'En espérant que ce livre restera pour toi un bon souvenir de mauvais jours. Et avec mes remerciements pour le prêt'. Si j'étais scénariste ou romancier, peut-être trouverais-je ces deux phrases suffisament énigmatiques pour en faire le point de départ de l'une de mes intrigues. Il me plait en tous cas de leur donner une seconde vie en ces lieux webiens.

09 février 2007

Blog

Le blog primé au Festival de la création sur internet de Romans s'appelle 'Police'. Loin de toute apologie du métier ou de l'ordre, il s'agit du journal d'une flic de terrain. Quand les faits divers et une ligne de vie toute personnelle illustrent une époque ou une société, ça donne ça. Assez proche des chroniques d'un service d'urgences hospitalières tenue par Patrick Pelloux dans 'Charlie Hebdo', loin de tout sensationnalisme, ça sonne juste, avec retenue et sensibilité néanmoins.
Liens automatiques

A l'invite de Bibliobsession -et parce que ça me semble une bonne idée- j'ai donc installé le 'blogroll automatique' de Criteo : il se trouve dans la colonne de droite, après la liste de liens. Il s'agit -si j'ai bien tout compris- d'un système qui affiche une liste de liens automatique, selon les blogs visités par les visiteurs de ce site. Si monsieur X, en plus de mon blog, visite régulièrement celui de Mlle Y, peut-être que Mme Z, également assidue lectrice de ce blog, trouverait plaisir à lire ce fameux blog de Mlle Y? Ca viendrait donc illustrer la rengaine, pas toujours vraie pourtant, qui veut que les amis des mes amis sont mes amis. Seule 'hic' : faut que les bloggueurs en question aient eux aussi installé le système de Criteo. Ce n'est pas bien sorcier : j'ai pu le faire!

05 février 2007

Petite monnaie

Ce boulot que tu as entrepris, ça a l'air costaud. Il y a bientôt un an que tu viens régulièrement travailler sur un des ordinateurs publics. Tu ne fais pas beaucoup de recherches sur le net, non, tu te sers plutôt du traitement de texte. Régulièrement tu bloques le nouveau copieur/imprimante : ce n'est pas de ta faute, c'est celle de Bill Gates. Les postes publics tournent sous Linux et dès qu'on veut imprimer un pdf, ça coince. Et comme je ne compte pas revenir en arrière et donner raison à Microsoft, on continue avec Linux. D'autant que depuis le temps, tu t'y es faite. Comme moi à ton habitude de déverser le contenu de ton porte-monnaie au moment de payer tes impressions. Je calcule ce que tu me dois et souvent, je t'aide à faire le compte parmi les pièces étallées sur le comptoir. Comme matheux, on fait la paire. Il n'y a pas à dire : pour nous, les littéraires, les bibliothèques sont un véritable refuge.

02 février 2007

Henry Ford

En janvier, faut établir le rapport annuel Puis, ça recommence : Sélectionner les acquisitions Rédiger les bons de commande Prêter et ranger Catalographier les nouveautés Vérifier les factures Ouvrir les portes à l'heure Trier les dons Prêter et ranger Chercher le bon bouquin, le titre exact Réserver les livres pour toi et aussi pour toi Ramener ce roman d'une autre bibliothèque Envoyer les rappels Prêter et ranger Ecouter les demandes, les noter, pas les perdre Conseiller et parfois choisir à ta place Te pénaliser, ben oui, t'es en retard! Entendre les mêmes excuses Prêter et ranger Dépouiller les périodiques Tenir les dossiers documentaires à jour Lire les critiques, noter les titres à acheter Y'a plus d'encre dans le copieur : faxer chez Canon Prêter et ranger Etablir les demandes de subsides Puis les justifier Dans les formes svp! L'argent est bien arrivé? Contrôler. Prêter et ranger Lancer les sauvegardes informatiques Porter les livres à plastifier Puis ceux à réparer Commander l'adhésif, les étiquettes Prêter et ranger Elaguer en jeunesse Puis chez les adultes aussi Jeudi, c'est ramassage des papiers: ficeler les journaux à jeter Prêter et ranger Prêter et ranger Prêter et ranger prêter et ranger prêter etprêteretrangerprêteretrangerprêteretranger