29 août 2006


La chaise

Dans l'ancienne bibliothèque -celle qui ressemblait à un bunker- il y avait une chaise, juste devant le bureau qui faisait office de comptoir de prêt. Si chacun posait les livres qu'il rentrait ou empruntait sur le bureau, la chaise quant à elle servait bien souvent de repose-sac. Mais pas toujours. Tu venais t'y installer régulièrement et nous bavardions quelques instants, jusqu'à ce qu'une autre personne se présente et que tu cèdes la place. Tu m'as bien souvent parlé de ta famille, de tes enfants et petits-enfants, mais également de ton travail et des différents postes que tu avais occupés dans les usines de la région. Nombre d'entre elles sont fermées à présent, et j'étais content d'apprendre ce qu'on avait fabriqué dans ces bâtiments aujourd'hui à l'abandon.
Je suis sûr que tu aurais apprécié ce nouveau local que la commune a restauré pour la bibliothèque. Il est situé en plein centre du village, dans une maison qui faisait la fierté des ouvriers au début du siècle passé. Il y a toujours une chaise à proximité du comptoir de prêt. Quelques-uns s'y asseyent encore parfois, le temps d'échanger quelques mots.

27 août 2006

Passage obligé

Vous êtes quatre à être inscrits à la bibliothèque : toi et tes trois enfants. Ce ne sont pas loin de 30 bouquins qui rentrent et sortent à chacun de vos passages. Extra pour les statistiques. Les premières fois, je n’ai pas fait très attention, lorsque tu sortais les livres de ton sac en toile, ce genre de grand sac, très solide et qui permet de faire une croix sur ses petits congénères jetables en plastique. Il t’est certainement utile en d’autres circonstances. Maintenant, j’y suis habitué : je dépose les livres que vous avez rentrés à part ; quand elle les trouve à cet endroit, la femme de ménage sait qu’ils doivent être nettoyés. Puis je me lave les mains et j’attends que vous ayez fait votre choix. Un petit brin de toilette, ça fait du bien, même aux bouquins.

17 août 2006

En toute discrétion

Ce matin, devant la porte, un sac en plastique bleu aux couleurs d'une chaîne de magasin de chaussures. A l'intérieur : 3 livres. Les trois tomes de la biographie de De Gaulle par Jean Lacouture. Plus de 800 pages chacun. Un coup d'oeil me suffit pour voir qu'il ne s'agit pas d'un retour anonyme de livres en retard. Ca arrive encore bien, quand un lecteur essaye d'éluder l'amende. Je me demande s'ils croient vraiment que cette méthode leur permet de rester inconnus...
Bref, les Lacouture sur le pas de la porte, ce n'est pas un retour mais un don. Anonyme.

16 août 2006

Reprise

Après 5 semaines de vacances, retour à la bib aujourd'hui. Les deux premiers lecteurs m'ont avoué que je 'leur avait manqué' (j'ouvre à 9h, ils étaient là moins de 10 minutes après...). Les autres ont été plus mesurés : 'ça c'est bien passé, vos vacances?' ou 'alors, pas trop dure la reprise?'. Néanmoins, le nombre élevé de bouquins rentrés et sortis en ce mercredi indique qu'ils n'en pensaient pas moins...
Sympathique écho à mon article du 9 août (perception 2) sur le blog de Bruits et chuchotements, ou comment Molière aurait vu la même situation. Tellement sympa que je ne résiste pas à un lâche copier-coller : "Vous bibliothécaire! C'est pure médisance, vous ne l'avez jamais été. Tout ce que vous faites, c'est d'être fort obligeant, fort officieux; et comme vous vous connaissez fort bien en livres, vous en allez choisir de tous côtés , les faites apporter en un lieu aménagé, et en prêtez à vos amis contre un salaire." C'est vrai que j'ai quelques amis qui fréquentent la bibliothèque...par contre, porter les nouveaux livres se 'fait en interne', comme on dit quand le boulot n'est pas délégué à un 'intervenant extérieur'...

14 août 2006

Eau de rose

Je n'en ai jamais lu. Mais toi, tu ne lis que ça. Condition sine qua non : l'auteur doit toujours être féminin. Je commence à avoir des problèmes à t'en trouver de nouveaux. Tu es très difficile, très sélectif, ils sont peu nombreux, ceux qui trouvent grâce à tes yeux. Quand tu as terminé Arnothy et Boissard, j'ai eu du mal à te faire transiter vers une autre femme. De Buron, Dorin, Sarraute n'ont pas été à la hauteur. Heureusement, Bourdin te plaît beaucoup. Après, je verrai.
Ton infirmité, que je n'ai pas remarquée directement, ne t'empêche pas de conduire, tu arrives toujours au volant de cette imposante voiture, que tu gares comme le peux, le parking n'est pas aisé ici. Tu bois beaucoup, je le sais à ton haleine, mais également à ta façon de parler. Cette difficulté à trouver tes mots et cet état confus, toujours à poser les mêmes questions : 'Et donc, je dois vous le ramener pour quand?' Je t'ai vu un jour, arrêté au bord de la route, buvant au goulot d'une petite bouteille ensuite soigneusement rangée dans ton coffre.
C'est vraiment étonnant pour un homme de ne lire que des romans d'amour.

09 août 2006



Blog

Sur le blog de
Locus Solus, quelques monomanies comiques, quelques jolies photos de chambres et d'autres de bibliothèques personnelles, ou comment résoudre les problèmes concomittants du manque du place et du classement.
Perception (2)

Il n'y a pas si longtemps, être bibliothécaire dans un petit village de Wallonie, ça ne payait pas, pour reprendre l'expression de Fernand Reynaud (qui se souvient encore de Fernand Reynaud?). Il s'agissait neuf fois sur dix d'un emploi complémentaire, très très mal payé (quand il ne s'agissait pas de bénévolat) et en général confié à l'instituteur ou au pharmacien. Certains en ont gardé la mémoire. Ainsi, cette gentille dame, grande lectrice, mais qui a quand même failli me vexer l'autre jour. Nous parlions d'emploi en général et des difficultés de trouver du boulot, lorsqu'en guise de conclusion elle me demanda : 'Et vous, c'est quoi votre vrai métier?'.

08 août 2006

Moyens

Deux millions de plus en 2008, deux et demi de plus en 2009. Voilà ce que je lis aujourd'hui dans le 'Soir'. En plus pour qui? Pour le secteur de la lecture publique en communauté française de Belgique. Donc pour nous. Evidemment, on ne va pas cracher dessus. Des questions néanmoins. Pourquoi seulement en 2008? Pourquoi devoir attendre encore un an et demi? A Francorchamps, même si ça traîne, le fric wallon arrive beaucoup plus rapidement. Et 2008, c'est drôlement proche de 2009, années d'élections régionales, et communautaires donc. Continuons dans le mauvais esprit : d'après le journaliste, ces millions seront prioritairement affectés, dans l'ordre à : 1/ les animations; 2/ les plans de lecture et 3/ aux synergies entre bibliothèques. Et l'emploi???? Et les subsides de fonctionnement????
Voilà bien des trucs qui me font râler, tout en vacances que je sois. Si je m'en tiens aux normes de la Communauté française, je devrais avoir trois collègues à temps plein. Pas de sous évidemment, tire ton plan tout seul. Les animations, c'est bien joli, mais la mission première d'une bib, c'est quand même de PRETER DES LIVRES. Attirer un public neuf via les animations, ok, si après on peut assurer le service que ce nouveau public attend. Là encore, on peut rêver.
Les plans de lecture? Un dossier dans lequel la bib, en accord avec son P.O., expose ses projets (nouveaux services, nouveaux publics etc...). Si on n'a pas de moyens pour financer ces objectifs, le plan de lecture aura coûté beaucoup de temps et finira dans un tiroir.
Les synergies entre bibliothèques? Egoïstement, je n'en fais pas une priorité : le prêt inter-bibliothèques fonctionne très bien et je n'ai pas besoin de plus. A moins bien sûr que l'accent soit mis sur la polyvalence du personnel. Par exemple, que l'on mette au point un système me permettant de faire appel à un confrère de la bibliothèque principale dont je dépend et qu'il vienne me remplacer au pied levé quand je suis malade. Pour que mes lecteurs ne trouvent pas une porte close, râlent et décident de ne plus renouveler leur cotisation, les horaires n'étant pas toujours respectés.

07 août 2006


Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Curieux titre à ralonge pour un roman suédois récemment publié chez Actes Sud. On sait peu de choses de son auteur,
Stieg Larsson, disparu en 2004; les maigres infos trouvées à son sujet me rappelent son personnage principal : Michael Blomkvist. C'est après avoir lu un article dans le Soir que l'envie de lire ce bouquin m'est venue. Déjà amateur de polars et fan de la première heure d'Henning Mankell, ce genre de brique devait sans doute me plaire. Et bien m'en prit, sa lecture s'étant révelée des plus passionnante. Journaliste au magazine 'Millénium', magazine 'généralement perçu comme s'attaquant aux dérives de la société', Michael Blomkvist est surtout 'spécialisé dans les reportages révélateurs sur la corruption et sur des affaires louches dans le monde des entreprises'. Un genre de Denis Robert, dont j'ai déjà parlé me direz-vous? Un peu de ça oui. C'est justement parce qu'il s'est frotté d'un peu trop près au grand patron d'une importante multinationale que Blomkvist, reconnu coupable de diffamation, se voit obligé de prendre un peu de recul. A peine a-t-il le temps de se faire à l'idée de ne plus être journaliste qu'il est contacté par un riche industriel à la retraite, Henrik Vanger. Retiré sur sa minuscule île, Vanger vit depuis quarante ans dans l'espoir de comprendre ce qui est arrivé à sa nièce Harriet, disparue en 1966 sur cette même île. La mission qu'il compte confier à Mikael est des plus simple : compiler toute la documentation concernant la disparition et chercher ce qui a bien pu échapper à toutes les personnes qui ont déjà enquêté sur l'affaire. Au départ seul à mener les recherches, Blomkvist sera rejoint par Lisbeth Salander, une jeune femme perturbée et sombre, mais capable de dénicher une info là ou personne ne songerait à fouiner. Un croisement entre le personnage d'Abby (jouée par l'actrice Pauley Perette) dans la série NCIS et le personnage de Nikita interprété par Parillaud. Débutant comme une intrigue politico-financière, obliquant vers la résolution d'un 'crime en chambre close' (lors de la disparition d'Harriet, l'île était coupée du reste du monde), le bouquin nous plonge ensuite en pleine enquête sur des crimes en série avant un retour final dans le monde de la finance. Passionnant du début à la fin, il dresse également le portrait tout en contrastes d'une puissante famille dans la Suède du XXème siècle. Cartes et arbres généalogiques sont intégrés dans le texte, pas question de se perdre donc. Ce premier volume d'une trilogie intitulée 'Millénium' sera suivi en novembre de cette année par 'La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette'. Un titre prometteur, vous en conviendrez.