26 juillet 2006

Lectures

Je me suis quand même décidé à lire 'L'attentat' de
Yasmina Khadra, poussé par des critiques positives relevées tant dans la presse que parmi mes lecteurs. C'est d'actualité : un arabe intégré (en Israël, à Tel-Aviv précisément) découvre que sa femme est la dernière kamikaze à s'être fait sauter dans la ville, occasionant ainsi la mort d'une dizaine d'enfants. Il se croyait heureux en ménage, il était éperdument amoureux d'elle et, à ce titre, pensait qu'elle nageait dans le bonheur. Il découvre que depuis plusieurs années, elle n'en pouvait plus des souffrances infligées au peuple palestinien, au point d'en arriver à cette extrémité, sans même qu'il s'en rende compte. Le choc est rude et remet toute sa vie en question. Si les pages consacrées à l'explication du comment et du pourquoi on devient kamikaze sont édifiantes et éclairent d'un jour nouveau notre vision toute occidentale du phénomène, et que celles où le personnage principal parle de son amour s'avèrent souvent très touchantes, l'ensemble m'a quand même paru trop long, tournant en rond et un rien excessif. Plus drôle, 'Funérarium' de Brigitte Aubert, un thriller mettant en scène Chib Moreno, un thanatopracteur noir et résidant à Cannes. Habituellement, il se chargeait d'empailler les animaux de compagnie et quelquefois l'un ou l'autre grand-père, mais aujourd'hui, c'est une gamine d'une dizaine d'années dont il doit se charger. En enquêtant sur la mort mystérieuse de sa 'cliente', il va mettre les pieds dans un famille de dingue et risquer sa peau. Déjantée à souhait, souvent drôle et parfois limite malsaine, l'intrigue se tient et ne souffre aucun temps mort, un peu comme si Agatha Christie avait snifé de la coke et écoutait Linkin Park en tapotant sur son clavier d'ordinateur. En polar toujours, 'Deuil interdit' de Connelly, un très bon épisode des enquêtes de Harry Bosch. Alors qu'on le croyait définitivement H.S. du LAPD, le voilà réintégré dans le corps de police de Los Angeles. Affecté au service des affaires non-résolues, Bosch doit prendre en compte de nouveaux éléments dans une enquête datant de plus de 10 ans : l'enlèvement et l'assassinat d'une adolescente de 16 ans. Plus en confiance, plus apaisé que dans ses précédentes enquêtes, Bosch fait ici penser aux personnages de la série télé 'Cold Case', eux aussi attachés aux affaires jamais refermées. Comme eux, ce qu'il désire, c'est refermer les plaies, permettre aux proches des victimes de comprendre et d'enfin faire leur deuil. J'ai presque terminé ''Les hommes qui n'aimaient pas les femmes', premier tome d'une trilogie due à Stieg Larsson, un auteur suédois inconnu jusqu'à ce que ce que Actes Sud se décide à nous le traduire cette année. Un bouquin extraordinaire, trop pour n'en parler qu'en quelques lignes : je remets donc ça à la semaine prochaine, une fois rentré de ma deuxième période de vacances....

25 juillet 2006


Bande-son

Pratiquement deux ans après sa sortie, l'album 'Funeral' des canadiens d'Arcade Fire reste toujours aussi présent. Le réécouter est à chaque fois synonyme de découverte, d'émotions et d'étonnement. Il m'a fallu longtemps avant d'être convaincu pourtant : au début, je le trouvais tout simplement inaudible, bourrés de sons, d'instruments et de voix dont je n'arrivais pas à percer la mélodie d'ensemble. Trois ou quatre écoutes plus tard, l'évidence : il y avait longtemps que je n'avais pas eu l'occasion de découvrir quelque chose d'aussi fort, peut-être depuis 'The Bends' de Radiohead. 'Funeral', titre on ne peut plus approprié pour un album centré sur la perte d'êtres chers, nous plonge, via les racines profondément enterrées du rock et du folk, dans les pensées confuses de quelques jeunes qui voient, avec leurs parents qui les quittent, leur jeunesse qui s'éloigne et l'âge adulte qui les gagne. C'est parfois clairement explicite, toujours poétique et profondément touchant. Ainsi, comparant la vie à la conduite d'une voiture : 'I like the peace in the backseat, I don't have to drive'....puis 'Alice died in the night, I've been learning to drive my whole life....'
Si j'en parle aujourd'hui, c'est parce que, les doigts de pieds en éventail dans le sable breton, j'écoutais 'Nice and nicely done' du 'Spinto Band' et -la faute aux effets conjugués du soleil, de la mer et du jus de raisin de midi?- j'ai pensé que ceux-là pouvaient réellement se présenter comme des descendants des Arcade Fire, comme si 'Funeral' était la bande-son de l'hiver, et 'Nice and nicely...' celle de l'été. Comme 'Arcade', 'Spinto' fait penser, en vrac, aux Waterboys deuxième période, à Smog, à Devendra Branhart, Nick Cave et au Springsteen du 'We Shall Overcome'... Si 'Funeral' est résolument sombre, 'Nice and nicely..' est joyeusement bordélique et léger, même si l'on peut percevoir dans la voix des chanteurs les mêmes fragilités et imperfections....

14 juillet 2006


Là-bas

Pendant une bonne semaine...Et je n'emporte pas mon pc dans mes valises...

13 juillet 2006

Horaires (2)

- Bonjour, je vous ramène mes livres, ils sont en retard je sais, mais j'ai voulu venir lundi et vous n'étiez pas là.
- La bibliothèque n'est jamais ouverte le lundi monsieur...
- Quoi? mais enfin, j'ai déjà vu votre voiture le lundi matin en conduisant les enfants à l'école, j'en suis sûr...
- Oui, il m'arrive de venir travailler le lundi matin, mais ce n'est pas pour ça que la bibliothèque est ouverte. Vous savez, si je ne travaillais que les....

11 juillet 2006

Perception

Je suis connu dans le village. Un peu comme le bourgmestre, le curé ou le médecin. Pour les plus jeunes, je pourrais aussi bien être boulanger ou électricien, c’est égal. Les plus âgés ont cet espèce de respect que j’ai eu du mal à comprendre au début : je sortais d’une grosse boîte privée dans laquelle je ne n’étais que le documentaliste (à côté des juristes ou des économistes, on ne pesait pas lourd).
Pour certains d’entre eux, je reste Monsieur le Bibliothécaire, ce même genre de Monsieur qu’eux et leurs parents donnaient à l’instituteur dans leur jeunesse. Ils m’abordent parfois en rue, persuadés que j’ai toutes les fiches-lecteurs en tête : ‘Monsieur, j’ai un livre en retard, mais je n’ai pas su venir, ma petite-fille était malade, j’ai dû la garder, ses parents travaillent vous comprenez… ‘. Il n’y a pas si longtemps, au marché, une petite dame, la septantaine un peu bossue, s’est même excusée de ne pas être venue me rendre ses livres parce que son mari était mort et qu’elle venait à peine de l’enterrer…


Horaires (1)

- Monsieur, vous êtes là? C'est ouvert maintenant le jeudi?
- Non madame, ce n'est pas ouvert, mais je suis là quand même...
- ...
- Si je ne travaillais que les jours d'ouverture, on tournerait toujours avec les mêmes livres vous savez...les nouveaux livres, faut bien les cataloguer...et je ne vous parle même pas des factures, des statistiques ou des lettres de rappel...
- Aaah....moi je croyais que bibliothécaire, c'était seulement prêter et ranger des livres....pardon...

09 juillet 2006

Bigard

Lu dans le Télémoustique cette semaine : pour la prestigieuse 'je-vends-du-temps-de-cerveau-disponible-pour-la-pub' TF1, Jean-Marie va tourner le pilote d'une série dans lequel il incarnera un directeur de bibliothèque municipale (communale pour nous les belges). Apparemment, sa profession initiale passera au second plan, puisque c'est dans le cadre d'une école de devoirs qu'il sera amené à rencontrer et à aider des enfants en difficulté.
Evidemment, la question ne s'était encore jamais posée : après Gérard Klein en instituteur et Victor Lanoux en brocanteur, quel acteur pour incarner notre belle profession? Bigard nous répond TF1. Bah, ça aurait pu être pire j'imagine...

07 juillet 2006

Nomade

Ce mois de juillet qui débute me rappelle celui de l'année passée durant lequel, en plus de mon déménagement personnel, je devais assurer celui d'une bibliothèque. Plus qu'un déménagement, il s'agissait de rassembler les collections de deux sites de prêts en un seul. Avant cette date, il y avait effectivement trois bibliothèques : deux 'dépôts' et une 'pivot' comme ils disent dans les décrets. J'ai donc passé pas mal de temps sur la route, entre ces différents sites. Pas mal de temps : 11 ans en fait. Onze ans avant d'avoir réussi à faire admettre aux politiques qu'il valait mieux concentrer ses efforts sur deux lieux plutôt que de les disperser sur trois, surtout si on ne veut pas engager plus d'une personne pour s'occuper de tout ça. De trois bibliothèques, je suis donc passé à deux. Vous n'imaginez pas quel soulagement. Et puis quelle fierté aussi : arriver à faire fermer une bibliothèque, n'est-ce pas l'objectif de tout bibliothécaire qui se respecte?

05 juillet 2006


Ca se vide

Plus que trois jours d'ouverture au public avant une fermeture d'un bon mois. Je sais, ça ne fait pas très 'service public', mais à personnel limité, accès limité. Dans leur grande majorité, les lecteurs prennent ça bien : ils ont été prévenus il y a plus d'un mois et s'organisent donc en conséquence. N'empêche, les derniers jours sont à chaque fois l'occasion d'un ruée, sur les nouveautés principalement. Aussi, je m'organise en conséquence : acquisitions plus importantes (beaucoup de romans évidemment) et demandes de collections d'appoint aux bibliothèques principales et centrales. De quoi satisfaire l'appétit des plus acharnés, qui ont exceptionnellement ma bénédiction pour dépasser le nombre limite de prêts : c'est par sacs remplis que les bouquins s'en vont ces jours-ci. Parmi eux, certains vont voyager plus loin que moi, au gré des destinations de vacances des emprunteurs. Et, je le sais déjà, fin août-début septembre, j'aurai du mal à en récupérer quelques-uns, les 'tombé dans la piscine' ou 'oublié chez belle-maman en Provence' ou encore 'perdu dans le TGV'.

02 juillet 2006


Une question d'équilibre

Comme pour le dosage des couleurs quand on pose du carrelage. Ce boulot c'est ça. Vous savez, ces foutues normes à suivre dans les acquisitions. Pas question d'acheter n'importe quoi sur une année : faut suivre les normes. Tel pourcentage de documentaires adultes, tel pourcentage de fictions jeunesse etc etc... Faut équilibrer, veiller à ne pas acheter trop de romans, s'assurer que tous les 'domaines du savoir' soient équitablement représentés dans les collections. Pour que chacun y trouve son compte : les amateurs de pêche à la ligne comme les fanatiques de Mary Higgins Clark. Finalement, bibliothécaire, ça donne des prédispositions pour carreler en amateur...

01 juillet 2006

Le prix de la culture

"Bonjour, je ramène les livres de mes enfants...Et aussi...euh, vous auriez quelque chose sur la Bretagne?" C'est une des destinations favorites de nos compatriotes, je viens de le lire, sais plus où....réponse positive de ma part donc. "Seulement, je ne suis pas inscrite, moi..."
"Je ne peux pas vous laisser emprunter un livre adulte sur une fiche enfant madame, l'abonnement et le prêt sont gratuits pour les enfants, mais pas pour les adultes. Ceci dit, l'inscription ne vous coûtera que 6 euros, et le prêt est gratuit"
"Ah bon...ben je reviendrai plus tard alors"
Pub et romans

Un article un poil excessivement dénonciateur dans 'Charlie Hebdo' cette semaine. Stephane Bou nous y conte les démêlés de deux auteurs américains pour ados -strictement inconnus chez nous- qui, dans leur dernier roman, laissent une de leur héroïnes se maquiller avec un rouge à lèvre d'une marque bien précise. Même pas rétribués, les deux auteurs se font incendier par l'un ou l'autre journaliste avide de scandale, qui conjurent les critiques littéraires d'ignorer cette sous-production romesque.
Typiquement ricain, non? On gave les ados de séries et autres télé-réalités, spécialement écrites pour êtres saucissonnées par une avalanche de pubs bien ciblées, on les endort et on s'assure qu'ils consomment ce qu'on veut qu'ils consomment...mais quand l'un ou l'autre rescapé lit un LIVRE, faut absolument le préserver de la pub! Même si le procédé est effectivement criticable, il n'est pas neuf : nombre d'auteurs pour adultes citent des marques de voitures, de fringues ou de clopes sans que cela fasse bondir les grands reporters. Ces cris de vierges effarouchées me semblent donc un rien excessifs. La pub, sous toutes ses formes, est partout. D'ou vient ce souci soudain d'en préserver les lecteurs? Serions-nous plus influençables que la masse des spectateurs télés? Ou bien notre nombre se réduit-il à ce point que nous voilà passés sous statut d'espèce protégée?