30 juin 2006


Le déjeuner

Me rendant ses livres : "j'en ai gardé un, tu me le prolongeras dis?"(elle m'a toujours tutoyé : je pourrais être son petit-fils).
"Et bien, je ne l'aimais pas, je l'ai laissé là et puis, ce matin, je n'arrivais pas à dormir, je l'ai repris et ça allait". "Il a profité de la nuit pour s'améliorer", je réponds stupidement. "Enfin, heureusement que ça a fini par me plaire, parce que je pensais à de ces trucs, je n'aurais jamais réussi à me rendormir. Tu sais ce que c'est hein, quand on est couché dans son lit, les problèmes, ça prend de ces proportions : on croit qu'on ne va jamais en sortir. Puis, le matin, on se lève, on prend son déjeuner avec son mari, et là...ça devient facile comme tout..."

28 juin 2006

Prêcheurs



Socialistes revendiqués, les gallois 'Manic Street Preachers' (www.manics.co.uk) avaient sorti en 1996 'Everything must go', un album que je réécoutais au volant ce matin. Une des meilleures chansons de celui-ci, 'A design for life', commençait par :

Libraries gave us power

Then work came and made us free

What price now for a shallow piece of dignity

Traduction non-officielle pour les rebutés par l'anglais : "Les bibliothèques nous ont donné le pouvoir; Puis le travail nous a libérés; A présent, combien coûte un rien de dignité?". J'en connais une qui va me reprendre de volée si la traduction n'est pas correcte. Le site http://www.manics.nl m'apprend que cette première phrase est inspirée par une autre, due à Francis Bacon et gravée au fronton d'une bibliothèque galloise : "Knowledge is power"(pour les rebutés.. : 'La connaissance, c'est le pouvoir'). La bibliothèque, toujours en activité, compterait parmi son personnel le frère de Nicky Wire, bassiste du groupe. On ne parle bien que de ce que l'on connaît.
Bref, une chose en amenant une autre, la première loi belge qui organisait les bibliothèques publiques -dite 'loi de 1921'- nous la devons à Jules Destrée. Egalement père de l'enseignement obligatoire jusqu'à 14 ans, Destrée était socialiste.

La meilleure illustration pour cet article se trouve sur le site du 'cartoonist' Mark Stivers : http: //www.markstivers.com, à la date du 12/12/2002...il y a un copyright dessus...respect donc.


27 juin 2006


Art postal

Ou mail art. J'ai bien dû avouer mon inculture lorsque tu m'as demandé si j'avais quelque chose en ce domaine. J'apprends pas mal à votre contact. Maintenant je sais plus ou moins de quoi il s'agit. J'ai eu du mal à trouver un bouquin : un numéro de la revue 'Neuf de coeur', publiée au Seuil, entièrement consacré à ça : enluminures des enveloppes et des lettres, poésies et proses illustrés dans le texte, timbres personnels, cachets faits maison etc etc... Je sais que tu n'as pas de connexion au net, mais le site qui m'a le mieux renseigné, c'est : http://perso.orange.fr/reine.shad/mailart2.htm. Quant à celui-ci: http://bonobo.net/rubrique.php3?id_rubrique=58, je ne suis pas sûr d'avoir osé te le proposer...

26 juin 2006


Voyage en Afghanistan

Je viens de terminer (faut que je fasse gaffe, il me semble que chaque fois que je parle d'un livre, je commence par cette phrase) le tome 2 du "Photographe", une bd à 6 mains publiée chez Dupuis. Vaut mieux que j'en dise quelques mots maintenant, tant que les traces sont fraîches. Didier Lefèvre (http://didier.lefevre.free.fr), photographe, s'engage à suivre une mission de MSF en Afghanistan. Nous sommes en 1986, en pleine guerre entre Moudjahidin et Russes, et pour rallier leur futur 'hôpital', les toubibs se joignent à une caravane de rebelles chargés d'armes. Partis du Pakistan, ils marcheront un mois dans les montagnes et croiseront des représentants de toutes les ethnies du pays, amicales ou pas. Bien qu'ils ne rencontreront pas de réelle difficulté, le voyage est long et harassant au-delà de toute imagination. Dès leur arrivée, les blessés et les malades affluent. Le manque de moyens, la gravité de certains cas et le manque de repos ne sont compensés que par l'esprit d'équipe, la générosité des habitants et le sentiment de vivre l'exceptionnel. Alternant cases de bande dessinée 'classiques' et photos prises sur place, les deux tomes de cette 'bd du réel' font mieux qu'un reportage d' "Envoyé spécial", qu'une pub pour MSF et qu'un "Guide du routard" réunis. Tout y est : histoire et géographie du pays, vie et moeurs des habitants, le tout raconté avec les mots simples des personnages, européens ou du cru.
Car plus que tout cela, ce qui importe ici, ce sont les rapports entre les personnages, la confrontation de leur vécu et comment malgré tout, malgré les conditions matérielles difficiles, malgré la guerre, ce qu'ils en retirent tient plus de l'enrichissement que du désespoir. Ce n'est jamais pompeux ni ennuyeux, ça vous transporte en quelques minutes à l'autre bout du monde et vous renvoie en pleine figure la futilité de vos principaux soucis...J'attends le tome 3 avec impatience et en attendant, qui sait, je vais peut-être lire 'Massoud l'Afghan' de Christophe de Ponfilly.

25 juin 2006













De ma personne

Régulièrement, en plus des romans, tu empruntes des bouquins pleins d'illustrations. C'est parce que tu peins. Je le sais, tu as déjà exposé à la bibli. Et donc, les illustrations en question servent de modèle pour tes tableaux. Que n'avons-nous pas déjà passé comme temps à rechercher des dessins de fleurs ou des photos d'animaux! Malheureusement, ce n'est qu'une bibliothèque de village, et nos recherches ne se sont pas toujours avérées fructueuses. Sans doute pour ça qu'aujourd'hui tu es arrivée avec ton appareil photo et que tu m'as demandé si tu pouvais photographier mes mains. J'ai hésité évidemment : ce service est-il inclus dans le prix de la cotisation? Et puis, j'ai accepté. N'empêche, c'est la première fois que je pallie physiquement aux manques de mon fonds d'ouvrages.

21 juin 2006


Du beau papier

Il est assez fréquent que les différents organismes officiels envoient gracieusement aux bibliothèques publiques un exemplaire de leurs publications. Ceci dans le but louable d'en faire profiter le plus grand nombre. C'est finalement un peu de l'impôt qui revient aux citoyens-usagers des bibliothèques. Aujourd'hui donc, la Chambre des Représentants nous envoie un bien beau livre : jacquette couleur, papier glacé et reliure soignée. Le genre de bouquin qui fait vraiment chic sur votre table de salon quand les photographes du magazine 'Déco' viennent flasher votre intérieur. Son titre : "The Belgian House of Representative", version abrégée et en langue anglaise de "Histoire de la Chambre des Représentants de Belgique", déjà reçu il y a deux ans de cela.
Est-il nécessaire de préciser ici à quel point ma joie fut difficilement contenue ce matin à l'heure d'ouvrir mon courrier et d'y découvrir cette merveille? Car nul doute que cette édition dans la langue de Shakespeare viendra combler un manque. Elle ravira mes nombreux lecteurs conjointement férus de langues étrangères et d'histoire de Belgique. Elle satisfera également les touristes d'outre-manche qui affluent nombreux de mai à septembre et qui n'en peuvent plus des seuls Barbara Taylor Bradford et autres Agatha Christie que je peux leur proposer pour garder le contact avec leur langue natale....

20 juin 2006

Vouvoiement

Je te connais depuis quelques années à présent. Tu as commencé à me rendre visite enfant, sans doute avec ton professeur, tous les mercredis ou les vendredis de l'année scolaire. Sortie de l'école primaire, tes visites se sont évidemment espacées : il faut une bonne raison pour vous voir à la bibliothèque, les ados. Un travail ou une lecture à laquelle vous ne pouvez vous dérober. Certains -dans la majorité des cas, ce serait plutôt 'certaines'- font figure d'exception et viennent encore, de leur propre chef, sans que rien ni personne ne les y oblige, fouiner dans les rayons. Tu es de ceux-là. Oui, je te vois vraiment régulièrement. Et maintenant que te voilà jeune femme, je ne sais si je peux encore te tutoyer.
A l'abri

« Ils faisaient penser à un couple qui aurait traversé toutes les tempêtes de la passion pour finir par comprendre que l'essentiel dans ce monde chaque jour plus en proie au bruit et à la fureur, c'était la capacité qu'avaient deux êtres à se fabriquer de la tranquillité ».

(Christian Roux, dans 'Les ombres mortes', (Rivages/Noir, 2005)).

13 juin 2006


La bonne excuse

Tu me fais le coup à chaque fois. Douze par an minimum, puisque tu viens à peu près une fois par mois. Quoique. Je me rends compte qu'il y a une variante. En règle générale c'est : 'Oh, zut, j'ai oublié mes lunettes'. Mais aujourd'hui, tu n'avais pas emporté la bonne paire : 'J'ai pris un étui, mais voilà que je me rends compte que ce sont mes autres lunettes'. Le résultat est le même : 'Vous ne voulez pas choisir pour moi? '.
Pourquoi cette excuse récurente, alors qu'il te suffirait de me demander une fois pour toutes de choisir à ta place? Tu ne serais pas la première, rassure-toi. Aucune honte à cela, et puis, depuis le temps que tu fréquentes la bibliothèque, je connais tes goûts. Peut-être es-tu trop fière, tu n'as pas envie de te montrer trop dépendante. C'est sans doute ça oui, cette même fierté qui t'empêche de me dire au revoir lorsque tu sors, les mains serrées autour des livres que je t'ai conseillés. Douze fois par an, pas de lunettes, pas d'au revoir.
Revivre

Je viens de terminer cette bd fraîchement publiée chez Casterman. Signée Guéret et Vadot (le dessinateur du 'Vif'), elle raconte l'histoire d'"Edmond Lesage, 80 ans, retraité", comme nous l'apprenons dès la première page. Sans raison apparente, Edmond se met brusquement à rajeunir physiquement : chaque jour qui se lève le voit se réveiller avec un an de moins. Vous avez bien calculé : 80 ans, il lui reste donc 80 jours à vivre avant de...Avant de quoi? C'est effectivement LA question du bouquin. Grandes cases, trait clair et couleurs vives, le dessin de Vadot asure une belle mise en scène à cette bd originale, dont le scénario aurait très bien pu convenir pour un épisode de la série télé "La Quatrième dimension'. A travers ce nouveau futur qui s'offre à lui, Edmond revit son enfance, s'interroge temporairement sur ses choix passés(il cite Churchill : "Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur") pour finalement décider de profiter de ce rab' et de vivre pleinement.
Je me rappelle de cette chanson de Manset, 'Revivre', il y disait notamment 'On voudrait revivre, mais ça veut dire, qu'on voudrait vivre la même chose'. Le personnage de Vadot et Guéret n'en est pas si sûr... Une belle réussite quoi qu'il en soit.

08 juin 2006

Agnès

C'est elle qui l'écrit aujourd'hui dans 'Le Soir'. Avec ce matraquage télévisuel de retransmissions sportives qui s'annonce, il n'y a, selon elle, plus moyen de 'trouver un mec avec lequel avoir une conversation digne de ce nom'. J'ai bien conscience de faire un peu tache dans la foule masculine, mais je ne pense pas être le seul 'mec' à me plaindre de voir ma télé squattée par du foot, des raquettes et des mollets de cyclistes. Moi aussi ça me pompe Agnès. Mais quand même, fais attention aux généralisations rapides. Et puis, tant qu'ils sont tous devant leur téloche, on a la paix. C'est le bon moment pour se promener, lire ou siester. Profites-en. Et si tu veux converser dignement, tu peux toujours me laisser un message.

05 juin 2006



Un confrère héroïque

C'est pas tous les jours, mais ça arrive : un bibliothécaire héros de roman. Publié dans la "Série Noie" de Gallimard (nouvelle mouture, grand format, plus cher donc que les anciens numéros en format poche : 24 euros), 'Le Bibliothécaire' de Larry Beinhart raconte comment Larry Goldberg se retrouve mêlé à un complot visant coûte que coûte à faire remporter les prochaines présidentielles américaines par le candidat républicain. Plus maladroit que courageux mais néanmoins bien décidé à tout entreprendre pour rester en vie, mon confrère David nous plonge en plein dans les rouages obscurs de la politique américaine. Ancré dans l’actualité récente, le bouquin propose également une lecture crédible d’évènements tels que le 11 septembre ou la réélection abracadabrante de Bush. Plein d'humour bien qu'éminemment politique et engagé, le bouquin contient en plus, en une seule page, une description de l'essence même de notre bô métier...

04 juin 2006

Astérix




C'était au début. Vraiment le tout début de ma carrière de bibliothécaire de campagne. Les choses se mettaient tout doucement en place. Motivation au top. Tu es arrivée un après-midi, je m'en rappelle très bien, c'était une belle journée d'été et j'ai eu l'impression que le soleil prenait un malin plaisir à mettre ta pâleur maladive en évidence. Tu ne t'es pas inscrite, tu n'as pas souhaité emprunter de livre, tu m'as seulement demandé si j'étais intéressé par un don. La série complète des 'Astérix', rien de moins. J'ai dit 'oui’ bien sûr et nous avons convenu d'un rendez-vous chez toi, quelques jours plus tard. Tu avais beaucoup de difficultés à marcher, et un deuxième voyage, qui plus est chargée d'une vingtaine de bouquins, t'en aurait trop coûté.
Chemin de terre, nids-de-poule et un bungalow perdu dans la campagne. Je sonne, et dès le moment où tu m'ouvres, je suis littéralement enveloppé par une forte odeur de médicament. Aujourd'hui encore, quand je rentre dans une pharmacie, l'odeur me paraît moins forte que chez toi à ce moment-là.
J'ai compris, et la question de ton âge m'est apparue d'une importance capitale. Je ne l'ai su que quelques semaines plus tard, en découvrant le faire-part de décès dans la presse locale. Nous étions de la même année, tout juste de la même année.
Cette série de bouquins dont tu voulais te débarrasser, elle est toujours là. J'y prends garde, j'ai dû en recoller quelques pages mais je t'assure qu'elle a été empruntée et réempruntée. J'aurais pu y apposer un cachet spécial 'Don de Mlle...', c'était une pratique courante autrefois en bibliothèque. Mais non, finalement, moi seul en connaîtrai la provenance.
Ils ont longtemps conservé cette odeur de pharmacie dont ils étaient imprégnés et, certains jours, lorsqu'ils me passent entre les mains, il me semble qu'elle est toujours là.






02 juin 2006



Je suis partial

C'est toujours un problème, les lectures scolaires. Comme les enfants "n'ont plus le goût de la lecture mon bon monsieur", c'est en dernière minute qu'ils arrivent près de moi pour obtenir le titre qu'ils doivent lire pour la semaine suivante. Souvent, je me débrouille pour leur fournir, quitte à l'acheter en vitesse.
Mais alors toi, toi qui roule en bagnole de luxe et qui vit au château là-bas plus loin, toi qui a méchament tendance à me parler comme à un sous-fifre, toi, quand tu m'as demandé si je ne pourrais pas acheter le bouquin que ta petite dernière doit lire et qui, vérification faite, manquait à mes collections mais, re-vérification faite, peut être acquis pour la modique somme de 5 euros 50, toi, je t'ai dit non.